nov 232009
 

Il y a donc des canards de ce nom : colvert. Au cou vert. Comme il y avait pour les humains « les jarrets noirs », pour les Jasmin, maraîchers penchés du Village Saint-Laurent « les dos blancs. » Mercredi midi, dernier feu de broussailles sans doute, apparition de quatre insolites nageurs dans la demi brume novembrienne sur le lac. Deux couples de colverts. Toujours étonnant ! Sont raides, comme immobiles de photo Marc Barrièrecorps, pourtant déplacements ultra rapides. Leurs palmes (pattes de grenouilles invisibles!) s’activent avec une rare force motrice. Ils zigzaguent autour du rivage, avec mouvements de culs en l’air !Ils avalent dieu-sait-quoi sous l’onde. Jean-Paul-Voisin, qui dort bien moins que moi, me parle de visions d’aubes avec outardes et huards, « Terribles, non, leurs cris plaintifs, me dit-il. » C’est vrai. Nourrissant mon feu, je ne me lasse pas d’admirer ces cous —et têtes— d’un vert flamboyant. Si métallique. Qui luisent au soleil de ce mercredi.

Souvenir : à chaque année entre 1940 et 1950, papa m’amenait avec lui, en bus, au « camp ». Pour clouer des persiennes (car brigandages parfois), couper l’eau, rentrer les chaises, désamorcer la pompe. Souvent devoir enduire de goudron (veux balai coupé comme pinceau ) le toit. Qui coulait sans cesse ici et là. Corvée rituelle pour l’hiver qui s’en venait Avenue Proulx à Pointe Calumet.

Oh comme j’aimais « avoir » mon père bien à moi !Être seul avec lui. Tout ce jour de novembre, Germaine, ma pauvre mère, devait « garder » le restaurant du sous-sol, dans notre « petite patrie ». On entendait à l’ouest de la Pointe, des salves répétés : coups de carabines des chasseurs de canards (colverts compris). Bien camouflés dans leurs barques garnies de branchages de cèdres. Ces disciples de Saint- Hubert s’installaient tout au long de la « Grande Baie » et des vastes plages « sulpiciennes », devenues le Parc Paul-Sauvé. S’étaient tues pour l’hiver les machines de Miron-le-cimentier qui siphonnaient du sable tout l’été. À la Fête du Travail, Pointe Calumet cessait de vivre. Retour de la vie le 24 juin suivant ! Notre paix ? Sans cesse fracturée par les incessantes décharges de chevrotine, ces tueurs de canards d’Oka, de St-Benoit, de St-Scholastique ( nommé Mirabel), de Ste-Monique et de St-Augustin, de La Fresnière, troublait mon père. En rangeant des effets dans notre cabanon, je le voyais grimacer, durcir les mâchoires, se scandaliser. Il m’avait dit : « Ils peuvent donc pas laisser vivre en paix les animaux de la nature, non ? » Papa était un doux, un pacifiste, un membre du Tiers-Ordre de Saint François, comme on sait, ami de tous les oiseaux, colverts inclus !

Ici, nos colverts ont la paix, cher papa ! Ils vont et viennent comme excités par cette bouffe invisible du fond du lac. Pas question d’abattre ces jolies proies luisantes, aux cous et têtes d’une joaillerie étincelante. Sont-ce les derniers signaux de la beauté naturaliste avant le blanc partout ? L’hermine répandue dans toutes nos collines ? La beauté ? Allant à l’École-Bouffe, plus tard, la beauté de nouveau ! Oui, sous une laide tente-garage, rue Grignon, qui me cligne des yeux ? Belle grosse tête toute blonde ? Félin d’un blond émouvant, à la fois énorme et svelte qui se dandine, cherche où s’asseoir, trouve, se gratte une oreille fougueusement, sursaute, me re-redécouvre et puis baille énormément, ma foi, c’est l’enseigne du lion-MGM, en mini. Une belle journée donc. De vert hypnotique et de blondeur fauve.

  2 Réponses to “LES COUS VERTS !”

  1. Chez nous on fermait le chalet plus tôt : à la Fête du Travail…
    Corvée triste à mourir car ça signifiait la fin d’un autre bel été à la campagne, loin de l’école et de la sale ville…
    Des tireurs devaient sans doute venir tirer sur le lac le jour de l’ouverture de la chasse; mais nous, on était revenus à Outremont depuis belle lurette !

  2. le couvert est mis.Menu froid:l’hiver!.
    Montréalaise ayant eu la chance de passer mes étés à la campagne(St.-Placide),
    je me souviens aussi des dernières fin de semaine au chalet avec la hâte d’y revenir au printemps.Que ça sentait bon les feuilles mortes qui craquaient sous nos pas…..

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