AH QUE L’HIVER… (air connu)
28 janvier 2011 | 1-Tout, LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES
Je regarde par ma fenêtre de bureau tous ces promeneurs autour du lac. Les chanceux. Je n’ose plus. Trop froid et mes pauvres os. Comment affronter un climat pareil. Nos murs craquent —bien vielle maison, cent ans a moins— « clous pétants », dit monsieur Taillon, mon poucheur en journaux.
Aujourd’hui, c’est donc « non, pas de sortie ». Ce ciel si bleu clair, ce lumineux dimanche, tant de lumière sur mon lac tout blanc. Avec ce « 30 sous le zéro », décider de rester enfermé, bien au chaud, cette antique peur de geler tout rond.
Voir ensuite, aux actualités télévisées, plein de monde qui s’amusent dans le grand parc de l’île Sainte Hélène et encore plein de joyeux fêtards qui patinent aux « ronds » du Vieux Port ! Puis, mon quinquagénaire de fils, à Val David, qui rentre de ski : « Formidable p’pa, pas loin, on a un site vraiment pas cher, une patente familiale sans doute, c’était parfait ! »
Tudieu, c’est ça vieillir ? Appréhender un genre de froid qui s’insinuerait à travers du linge pourtant adéquat. C’est exactement ça :oui, la peur ! Soudain, zest de courge, envie de prendre mon courage à deux mains, comme dit la cocasse expression, de me jeter dehors, aller marcher sur le grand anneau —bien tapé— déambuler librement sous ce soleil fumigène qui semble de minces vapeurs de froidure, horizon comme filandreux.J’y vais ? J’hésite et un appel soudain au salon : « Vite, viens vite voir ça, les critiques qui se critiquent, c’est excitant, c’est « Six dans la cité » de Perrin la séductrice » .
J’y descends. Le chaud salon. Et puis le lac s’est éteint faute de Galarneau. Le soir…tombe ou se lève ? ou bien se répand ? quel mot monsieur l’amateur de mots, « s’étale », plutôt, … de tout son long. Zut ! Soyons simple : C’est le soir. Bien. Les luminaires de la rue Morin se sont allumés. Suis certain qu’il n’y a plus un chat sur le lac. Quoique. Puis le souper. (En France, ils dînent!) on a bien mangé, on a bu du bon vin du Maroc. On consulte l’horaire de la télé, comme tout le monde, avec petits gâteaux aux doigts. Le Serge, de l’École Hôtelière m’avait vendu de l’agneau bien saignant, merci Serge de Saint Donat. Rien de bon à la télé… alors finir un bouquin sur…la mort ! Cadeau du fils amateur de philo. Oh!, faut envisager sa fin et la mort ne me fait pas peur, j’ai eu une bonne vie. Tenir encore un journal intime, je l’ai fait et tous ces tomes —de privautés dévoilées— se trouvent à la biblio Claude-Henri Grignon. Là, où on trouve les anciens numéros du Journal des Pays d’en Haut. Allez-y fureter, des surprises s’y cachent Ici, un besoin de vous dire que la vie quotidienne, en fin de compte, est la même pour tous. Sortir donc ? La compagne : « Ah non, j’ai plus de souffle et j’ai mal partout ! » Mensonge ? Des excuses ? ET moi : « Ah non, il y a ma jambe droite à coxarthrose. » Va-t-en donc dimanche arctique !
Lundi matin. Persiennes ouvertes, je vois sur le lac un skieur de fond qui y va aux toasts ! Fini le gel dominical, un lundi doux avec neige qui tombe si lentement. Ce matin, j’ai pu ouvrir la fenêtre de la chambre. J’irai au Calumet en vitesse. Je lirai vite les manchettes, je viderai la cafetière puis, dehors, deux galeries à vider de cette neige. Et la santé à conserver.
Les époques…les conter et les vivre…deux mondes. Du temps de Calamity Jane
et de Bill Cody, mon grand-père était adolescent.
En 1932 et après, mon grand-père et ma grand-mère trappait avec des autoctones, je ne me souviens plus de quelle ethnie, probablement des Montagnais. À cette époque, il avait 42 ans et elle 36 ans. La crise économique de 1929. Forcé de vendre son édifice à logement, parce que les locataires étaient trop pauvres pour payer, ils se sont établis au Lac-St-Jean en achetant une terre. Vendre des lièvres à 0.17 cent la paire. Des températures de - 40 degrés n’étaient pas râres à cette époque.
:D..:D..:D..:D..:).:).:). Je n’ai mêmes pas 66 ans encore, pas 81 ans, et malgré que j’aie connu, personnellement, dans mon enfance, des - 40 degrés, je trouve pénible les pauvres petits - 20 et je trouve l’hiver trop long.
Je crois qu’on se ramolli de génération en génération.
À l’époque pas si lointaine où le passé se conjugait encore au temps présent, mon corps a profité, sans excès mais en abondance, des plaisirs physiques les plus simples: 30 ans d’arts martiaux, 5 ans de course à pied, 10 ans de canotage de rivière, et j’en oublie… Qu’aujourd’hui j’ai des douleurs qui s’installent n’a donc rien de surprenant. Quand je regarde les -20° auquel on ajoute aujourd’hui le facteur éolien pour avoir un -37° ressenti, je souris en repensant à ces -40° où on ne les comptabilisait pas, il fallait soit frette, très frette ou trop frette pour sortir.
À côtoyer la mort au quotidien comme je le fais, puisqu’à défaut de pouvoir encore vivre de ma plume je travaille comme préposé aux bénéficiaires auprès des mourants, j’ai appris à relativiser mes bobos qui autrement m’apparaissent souvent les pires du monde. La mort, la souffrance et la détresse des autres donnent du sens à ma vie.
Même si cette neige qui m’oblige à quelques bonnes pelletés ajoute parfois à mes raideurs, je suis bien content d’avoir acquis toute cette expérience et ce bagage de vie qui se sont transformés en un puits d’être, un lieu duquel je peux puiser ce qu’il me faut pour écrire.
Mon père disait qu’avec les années les raideurs se déplacent, quand elles s’installent, elles sautent d’abord par dessus la ceinture… Puis il ajoutait qu’on ne devient pas vieux d’un seul coup, on se pratique un peu chaque jour, et quand on a beaucoup d’expérience et bien là on est vieux, on n’est plus bon pantoute. Pas toujours vrai tout de même, en misant moins sur le corps, le coeur prend plus de place.
Monsieur Jasmin, parce qu’un jour vous m’avez offert un bout de papier écrit à la dactylo sur lequel vous aviez brossé un tableau réaliste de ce que devrait être un écrivain, et du jour où j’ai compris ce que vous me disiez - il me fallait avant me donner le droit d’être pour moi et non plus pour les autres - je vous offre un cadeau à la fois simple mais si signifiant pour moi, la dédicace de mon deuxième livre de 151 fables qui sortira fin mars 2011. Comme pour tourner une page de vie, une copie vous parviendra.
Il y a parfois des grands avantages à vieillir, dont celui de gagner de la crédibiité.
Pierre