RIDEAU : VOICI L’ÉTÉ !
27 mai 2011 | 1-Tout, LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES
Ça y est. C’est fini au moment où vous me lirez. Les trois coups furent frappés et le rideau est levé. Le spectacle peut débuter. À l’affiche, « la belle saison » ! J’ai vu naître, grandir, s’installer le décor. Quelle beauté ! Quelle métamorphose ! Je regardais intensément.
Au début c’est tout petit, bien fragile, à peine visible. Des tas de petits points verts partout dans la nature. Peu à peu, il faut être attentif car cela ne dure que peu de jours, tout prend forme. On dirait que je voyais pousser, oui comme à vue d’œil, tant tout cela s’installe vite. J’observais durant des heures, heureux, les choses discrètes. Droit devant moi —mais chacun a « son » décor— il y avait à ma gauche, des bouleaux aux « pendentifs » mous, un certain vert, et derrière ces bouleaux aux grasses lignes centrales bien blanches, fermes, des érables aux toutes petites feuilles. Un autre vert. Oui, l’art du pointillisme, à la Seurat, ou les vues gaies d’un Raoul Dufy, la légèreté.
Plus loin, derrière, un saule géant avec lui aussi mille milliers de naissantes feuilles. C’est, au début, si tendre, si lumineux, si neuf. Devant moi, un sorbier, craintif on dirait, aux bourgeons pas trop pressés, à ses côtés, écran d’érables plus courageux, et, derrière, des épinettes qui forment contraste avec leurs silhouettes sombres, paravents à tous ces verts luisants, brillants, timides nouveaux-nés.
C’est beau ! C’est beau ! Ça pousse. Ça pousse davantage chaque jour de cette trop brève phase et, soudain, admirer davantage toute une verdure nouvelle. À ma droite, loin du vieux pommier, si lent lui, à s’enfeuiller, de jeunes saules, ceux du rivage. Proche de ma galerie, le gros vaste bouquet énorme de sapins classiques avec leur cruel vert dur, franc.
Au bout de quatre ou cinq jours, oui, ça y est, le décor est là, entier. Vastes fins rideaux aux neufs tricots de verts si variés. La beauté ! Loin, au dessus, l’horizon changé des collines laurentidiennes. L’autour du lac quoi, son rideau de fond. Pas du rideau léger, une tenture plus lourde.
Sous tous ces arbres qui se parent, qui se vêtent, qui se décorent, se garnissent —coquets— en robes scintillantes, il y a toujours, immuable, elle, la terre, oui, lui, le sol ! Le bon vieux tapis connu, les ordinaires pelouses, ces gazons familiers au vert pourtant bien régénéré, bien vif, vantard : « Regardez-moi, je suis l’été ! »
Par dessus tout ce théâtre naturaliste, remis à neuf à chaque mois de mai, le ciel. Trop souvent sans son Astre ces temps-ci. Mais enfin, j’ai tout vu. Jadis, en ville —ou aux champs— je ne voyais rien. Temps imbécile, des trop nombreux labeurs de l’ambitieux que j’étais. Désormais, je me le promets à moi-même, je sortirai toujours dans la lumière printanière pour regarder l’air, le vent, tisser ce décor fabuleux. Trop familier, qui est donc méprisé puisque le proverbe dit : la familiarité engendre le mépris.
Adage hélas trop vrai !
Lorsque Jean De La Fontaine aura tort, nous cesserons de « perdre nos vie à
la gagner ». Nous pourrons, alors, produire en harmonie avec tout ce qui existe, sans la pression qu’exige la subsistance.
Imaginez ! Dans cette harmonie, nos sens seraient constamment en éveil et
surtout réellement réceptifs.
@Claude Jasmin
——il y avait à ma gauche, des bouleaux aux « pendentifs » mous—-
Il est bien possible, étant donné la fragilité du bouleaux face aux maladies,
et conséquemment sa râreté relative, que vos bouleaux soient, en fait, un
type d’aulnes ( on écrit aussi aune ) parmi les râres espèces qui atteignent la dimension d’un arbre.
L’aune blanc, l’aune de l’Orégon, le glutineux…. Ce dernier peut atteindre
de 40 à 50 pieds de hauteur.
Ma bibliothèque compte plus de 2000 livres qui traitent de sujets, allant
du plus simple au plus compliqué, sans toutefois dépasser le balbutiement
en ce qui touche aux sciences.
Ma documentation, au sujet des arbres, provient d’un de mes livres titré :
« ARBRES Indigènes du Canada ».
Bulletin 61, Troisième édition, Canada, Ministère des Forêts.
Ottawa, Roger Duhamel, M.S.R.C. Imprimeur de la reine, contrôleur de la
papeterie, 1961.
Ce M. Duhamel, je crois bien que vous l’avez connu personnellement.
Mon cheminement de vie n’a même pas traverser le gazon d’une université,
mais mon plaisir de lire a largement compensé cette lacune. Face aux exigences de notre société de consommation, je changerais le mot lacune
en carence. Mais qu’est ce que l’université? Rien d’autre qu’écouter, lire,
se souvenir et mettre en pratique.
Une petite note d’humour.
Puisque nous parlons de Dame Nature, je vous rappelle une vielle blague
en mode devinette.
Quel est l’animal le plus heureux? Le hiboux car sa femme est chouette.
En voici deux de mon frère Jean-Claude dont il se dit l’auteur.
Quel est l’animal le plus malheureux? Le daim, car sa femme a dédain de lui.
Qu’y a-t-il de plus fou qu’un facteur? Les lettres qu’il distribue, car elles
sont toutes timbrées.
Entre deux nuages noirs et gris, quelques Merles d’Amérique (rebaptisés rouge-gorges chez nous) se pressent hardiment pour arracher autant de vers de terre que cela se peut en temps d’acalmie. Les pattes dans l’eau, marchant en donnant du croupion et la tête, la chasse est bonne et les provisions généreuses. Les petits restés à l’écart feront bombamce ce soir de toute cette réingurgitation…
Dans leurs cages déposés devant la grande vitrine qui donne sur le pommetier sauvage en fleur de la cour arrièere, mes deux femelles Pinson mandarin font de même avec les petits qui n’ont que quelques jours à peine. Déjà notre maison d’encore cinq enfants s’agite et prend des allures d’été. Ça va prendre une autre cage, entend-on crier au grand désespoir de mon épouse qui voit les choses autrement…
Coupe de vin à la main, je porte un toast à cet été qui vient de s’installer tout en songeant à ces bouleaux blancs dont vous parlez, et à tous ces bouleaux noirs, ces merisiers, ces noisetiers et à ces érables à sucre qui ombrageaient le terrain de camping que nous avons occuper quelques années au Lac Kénogami. Les nuits silencieuses de la forêt, les matins frais embaumés, les midis ombragés, les après-midi de plage sablonneuse, les soirées mélodieuses et crépitantes au coin du feu, guitare à la main, guimauve à la bouche. Oh nostalgie ! Rien que d’y penser, ça fait du bien pour le moral et ça me rappelle le grand conseil de santé de mon docteur; Perds du poids, ça va aider ton genoux… déjà 25 livres en moins, alors je peux dire qu’il est pas si bête que ça mon doc…
Ici, ça bourgeonne encore, ici ou là quelques rares arbres se sont habillés de leur robe de feuilles vertes. Le jardin est semé à moitié, la terre est trop humide pour les patates rouges et les nuits encore trop fraîches pour les tomates.
Viens été ! Viens faire un tour et attarde-toi chez nous…