Zoom-in sur Claude Léveillée !
29 avril 2004 | 1-Tout, Poing-comme-net, Portraits, Souvenirs
Quittons vite ce funeste lit d’hôpital où son sang fait des siennes, venez, faisons l’oiseau, voyez cette section au milieu de notre ville. Soyons dans une montgolfière pour observer ce petit garçon endimanché dans sa rue Drolet. Écoutez bien —comme Claude enfant— le vrombissement des cloches de Sainte-Cécile, rue De Castelnau. Claude en fera un fameux fracas inoubliable pour piano seul quand papa-Léveillée fait le maître-chantre au jubé et que maman-Léveillée servait ses élèves au vieux piano salon.
« Je me fous du monde entier quand Frédérique… »
Suivons-le maintenant dans la ruelle, rue de Gaspé, écolier malingre de l’école Philippe Aubert de Gaspé des Clercs de Saint-Viateur. Claude compte ses billes au fond de sa poche mais il est distrait par les cris du furieux maraîcher ambulant descendu de son Saint-Benoit (où, adulte, il se bâtira maison) : « On a des choux, des navets, des radis, des carottes, du beau blé dingue » !
« Je me fous du monde entier… »
Voguons plus au nord, rue Crémazie et voyons le chétif collégien boutonneux des Sulpiciens d’André Grasset. Claude délaisse sa raquette de crosse à babiche mal nouée pour mieux écouter comme toujours. Le tramway numéro 24 grince vers Ahuntsic mais n’arrive pas à couvrir les cris des alouettes en chamaille dans le voisin boisé de cenelliers, derrière le back-stop du collège.
« Et papa nous aimait bien… »
Notre ballon suiveur ne le lâchera pas : l’étudiant osseux rêve de sons inédits sur le coteau de son Université de Montréal, adolescent distrait par le tintamarre ambiant, celui de « la vie, la vie ».
Adieu les livres scolaires, ce sera le profond mariage avec la musique. Un ancien chanteur de Paris, pas encore rond comme un marbre, Buissonneau, reconnaît une musique authentique, dynamique. Paul va s’attacher à ce très jeune bizarre vieillard précoce, au dos déjà voûté. Féroce accoucheur de talents, Paul se l’attachera pour
« Quat’sous ».
Décelant le génie brut, l’instruit André Gagnon, médusé, écrira cette musique d’un jeune autodidacte surdoué qui ne sait pas même lire la musique. Édith Piaf l’invitera chez elle mais revenu chez les apatrides involontaires, désormais, Léveillée nous installera, et pour toujours, ses lumineuses mélodies. Il sera poète mais aussi comédien solide, animateur incontinent, trop généreux, revenant du haut de la Côte-Nord jusqu’à s’écraser mardi soir dernier, à Ville Émard, sur le piano du poète Marie-Uguay.
« Les rendez-vous qu’on n’a pas su… »
Un poète unique décrit finement nos émotions, nos sentiments, paroles et musiques. Avec « la patron », barde-Leclerc, avec le fleuve-Vigneault, c’est un trio indispensable pour chanter nos heures et malheurs.
Les autres pourront naître, Claude Léveillée a ouvert tous les chemins. Léveillée doit se rétablir vite, il doit se relever. Qu’il continue !
Toutes nos petites patries t’en supplient Claude :
prompt rétablissement !
Bravo Claude Jasmin pour votre superbe texte en hommage à Claude Léveillée. La « petite patrie » a accouché de deux « claude » grands ciseleurs de mots et poètes chacun à sa manière.
Les musiques de Léveillée resteront pour toujours…
MERCI
ET VIVE LA PETITE PATRIE !
JASMIN
J’ai choisi d’interpréter « Frederic » pour ma prochaine audition, je viens de faire la connaissance de Claude Léveillée, donc prompt rétablissement!