Dans nos existences, on rencontre parfois des « faces de beu », des visages-de-bois, c’est fatal. Par exemple, tout récemment, pour un simple oubli de faire un arrêt (coin de rue paisible à deux pas de chez moi ), va surgir en trombe, avec coup de sirène, dans votre entrée une jeune gendarme toute démontée, très tendue qui sort sa voiture à gyrophare et qui, vraie furie, vous sommera : « Restez dans vote char, svp, compris? Vite, allez vous rasseoir dans votre voiture, vite ! » On aurait cru à l’arrestation du meurtrier du récent assassinat du pharmacien Quenneville survenu au bas de la Côte Morin dont dame Justice ne parle pas.
Or, la courtoise, je la rencontre à chaque fin d’après-midi, au magasin de notre École Hôtelière, rue Lesage. Oui, la bonne humeur a un nom : Serge. Il n’est pas qu’un vendeur, il saura expliquer aux visiteurs certaines denrées parfois sophistiquées. Mon cher Serge de Saint-Donat donne même des conseils appropriés, si on lui demande. Car Serge n’a rien d’un inopportun encombrant, au contraire. Ainsi, de tels individus, socialement bien adaptés, font partie intégrante de la joie de vivre pour le citoyen. Un triste monde, imbue d’une fonction et névrosé, constitué de « chevaliers-à-la-triste-figure », nuit à la simple joie de vivre.
Retour de la métropole-aux-casseroles où en quelques jours nous avons assisté encore à des rencontres théâtrales étonnantes. Celles offertes par le Festival trans-Amérique. Nous voyez-vous aux coins des vieilles rues Plessis, Panet et Visitation, dans l’Ancienne usine de confitures —sa haute cheminée résiste— admirant cinquante (50 !) « gesticuleux », déchaînés tournoyant dans une passacaille aliénante ? Étonnante foule sur une scène ! Olivier Choinière réussit à cette Usine-C à illustrer —en steppettes et un chant monotone— la sombre folie d’une foule moutonnière. On rit jaune. Ensuite, dans une ancienne piscine, rue Cherrier ( ex-La Palestre) voyez-nous zieutant un laideron et une minette, « toute dépoitraillée » disaient les anciens. Étrange couple qui court, rampe, s’accroche, se fuit en contorsions (banales ou surprenantes). Elle, toute échevelée, lui, avec une queue de rat comme l’illuminé Raël; c’est Clara Furey (fille de Carole Laure) et Benoit Lachambre, gesticulateurs frénétiques déplaçant sans cesse deux meubles mobiles : un piano droit et un « dummy » de piano à queue. Oh les poses excentriques ! Enfin, rue Henri-Julien, imaginez-nous, elle et moi, mais l’aficionado c’est ma compagne, observant un étrange manège à douze personnages, morbide et très bizarre « réunion de famille. » Une généalogie pourrie dialoguée par Emmanuel Schwartz : « Nathan. » Sorte de sinistre « caucus » où l’on évoquera, sur trois générations, des mufleries graves, des tromperies, des incestes et des crapuleries, enfin des trahisons. Belle famille !
Une parenté tarée, chaîne lugubre où jamais on ne croise un affable « Serge de l’École Hôtelière », c’est à dire pas la moindre petite lueur d’humaine courtoisie. Comme, hélas, avec la gent policière parfois.
La policière est efficace. Elle part le matin avec son visage imparcial et malheur aux méchants. Le monde des sentiments pourrait lui être fatal. Elle a une tâche ingratte mais elle assume. Le charme, les petites politesses ne sont pas son rayon.
Dans un cartier, une rue paisible…qui roulent vite à vélo, qui courrent vite, étourdis de bonheur ? Les enfants. Ce jour là une plus vieille veillait pour eux.
Prière de lui envoyer des fleurs et des remerciements.
Vous avez l’art de me faire sourire.
Ma mère qui aura ses 81 ans dans 10 jours s’est jouée un tour l’an dernier. En conduisant son auto, elle observe, distraite, qu’un voisin travaille à sa platebande fleurs annuelles. Bien sûr, par galanterie et pour marquer son admiration pour cet aussi vieux charmant monsieur, elle lui envoie la main et le gâte de son plus beau sourire.
Elle entend un bruit étrange, et puis un camion remorque mi-asphalte mi trotoir lui fauche le miroir coté conducteur et la projette sur le talus de l’autre voisin d’en face.
Distraction oblige, pour 5 secondes d’inattention, elle avait oublié qu’elle était au volant de sa voiture. Oufff.
Aujourd’hui elle en rit, mais sa bêtise aurait pu lui couter la vie, à elle et à quelques enfants car la chose s’est produite à deux pas d’une école primaire.
Par amour, elle a vendu son auto, cancellé avec larmes et colère son permis qu’autrement nous lui aurions fait enlevé, et puis… elle persiste malgré tout à
blâmer le chauffeur du camion…
Vous ai-je dit que grâce aux conseils d’écriture que vous me fites un jour, je viens de publier mon 3e livre, un roman cette fois au lieu de fables ? Merci encore et de grâce, pardonnez cette policière, elle vous a peut-être sauvé la vie et celle d’un autre.