Le jeudi 7 novembre 2002
7 novembre 2002 | 1-Tout, Journées-nettes
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Ciel si bleu, Hamelin dixit : « le plus beau soleil du monde est ici, dans les régions nordiques ». Vrai ? Il me semble. La neige offre son immense réflecteur ! Lumière réfléchissante partout en Laurentie. Stimulant. Je n’en reviens pas de cette voyageuse qui avait tant apprécié que je siffle (pourtant pas fort) dans le bus pour Rimouski jeudi, qui tenait à me le dire. Je regardais les cha,mps labourés partout. La terre virée. La terre à l’air. Les paysages si bruns, parfois au caramel sombre, imposantes visions. Le citadin oublieux de ces travaux qui défilent durant des kilomètres et des kilomètres. Sillons à perte de vue, rangées bien droites, fossés d’égouttement sans cesse. Maisons de fermes, bâtiments idoines. Ces bruns divers, parfois des plaines noires, une peinture rurale, fresque tranquille, gigantesque murale terrienne, boueuse, impressionnante en diable ! Un art sobre de Pays-Bas ancien :Bruegel ou qui encore ?
Appel téléphonique : un jeune, Beausoleil (« Les Chréchiennries », je crois ), veut appuyer ma demande de chronique au Dev. Ils sont trois déjà. Si content de cela. Beausoleil se débat contre l’éditeur Brûlé (« Les Intouchables ») …qui ne lui crache « pas pantoute » ses droits ! Indigné, il dit : « Ils vont dans des foires du livre partout ces voleurs… ». Je lui dis : « bon courage » ! après lui avoir raconté quelques déboires de mon temps à moi —chez Leméac « en faillite » :une vraie cochonnerie ! Lassé de ces histoires…ne plus vouloir publier. Beaulieu m’a juré qu’il crachait les droits à ses auteurs avant tout. On verra bien.
À la SRC de Rimouski, je racontais mon discours aux jeunes collégiens : « Choisir la liberté ou l’amour un jour ». Impossible les deux ! L’amour, mon choix, enlève des libertés mais c’est un tel bonheur. Plein de jeunesses mâles qui font un enfant et puis « lèvent les feutres » en toute liberté. Petits saligauds d’égoïstes. Je m’emportais. Tant de monoparentales, tant de divorces rapides ! L’animatrice d’abord muette et puis m’approuvant.
Au Salon, j’ai fini par rédiger une bonne lettre de recommandation pour le Rivière, le Madelinot qui veut fréquenter cet Institut INNIS (installé à la Cinémathèque rue De Maisonneuve à Montréal) afin de savoir les trucs (!) pour écrire du ciné ou de la télé. Il était content. Bonne chance, candide Sylvain !
L’animateur bien connu, Duval —Lionel— publie et joint ainsi le fort peloton des animateurs-reporters-auteurs radiocanadiens (de Garneau à Nadeau). Il semblait tout fier d’être d’un Salon littéraire. Vain prestige, il va le découvrir vite.
À « Zone libre », à la SRC, reportage effrayant sur un tueur de pauvres péripatéticiennes vancouvériennes (80 victimes probablement !) Impuissance de la police. « On avait pas les moyens », dira un chef de police ! Et pas l’intelligence ? De longs mois passaient. « C’était juste des putains, comprenez-vous, si les mortes avaient été de jeunes bourgeoises… » dira un loustic lucide. Frissons dans ma chambre numéro 3027. L’horreur, la fouille des terrains délabrés où gîtait (en roulotte) le tueur fou. Restes humains à trier dans une banlieue de Vancouver bien morne. Oui, l’horreur ! Il a fallu qu’un délateur, enfin, jase sur un certain voisin louche. « J’avais vu du linge ensanglanté dans sa baraque, ça fait que… ». Il l’ouvrira, sa maudite trappe, Longtemps, trop longtemps, après les premiers crimes.
Lu le « Écrire » de Jacques Hébert, le vieux scout-sénateur libéral (installé par son ami Pet). Pas bien fort. Trop court. Pas assez franc ? Suite de souvenirs sur un ton très bref. Sa « carrière » en un chétif chapelet d’éphémérides. Trop modeste ? On reste sur sa faim. L’homme en sait long. Je le crois malin, calculateur, discret par intérêt. Des passages m’allumaient. Celui sur le vieux snob cultivé, Victor Barbeau, par exemple. Hébert brosse en vitesse. Il se dit non-écrivain sans cesse. Ah ! On ne peut forcer le cheval à boire —l’adage vrai— une fois mené à l’abreuvoir.
Je repense à mes enfants en sacs de couchage qui doivent écouter les conteurs du Salon de Rimouski. Les joyeuses jolies bouilles de ces veilleurs volontaires qui gigotaient de trop soudain indiquant clairement quand votre conte perd du sens à leurs jeunes oreilles. Des coups de fouet.
Je songe encore à cette Marie X, dimanche matin à Rim-Ouski, qui m’indique avec clarté des cohérences que j’ignorais dans mon lot de bouquins, des points communs, des symboles persistants, entre les personnages de mes romans dont je n’avais aucune idée, écrivant « par oreille », sans plan solide. Elle m’a comme envoûté. L’intelligence (jeune), vive face au vieux bouc qui chie ses histoires sans souci de cette cohérence… bienvenue, évidemment. Ah oui, hâte de lire sa thèse.
La Julie de Victor tout heureuse de se voir dans « À cœur de jour », bas de la page 400. Elle rit, moi aussi lui disant : « Tu es entrée dans la littérature québécoise, Julie » !
Étonnant Bertrand Leblanc (« Les trottoirs de bois », ,etc.) qui me dit dimanche soir à une tablée d’auteurs : « Je ne vous aimais guère. Pas du tout même. Je vous avais mal jugé. Je découvre un homme fort sympa, dynamique, drôle, et suis ravi d’avoir fait meilleure connaissance » !
Non mais.. quel coco ce rimouskois, rimouskitain (?)Bertrand ! C’est cela un pré-jugé, non ? Ça m’est arrivé souvent hélas. On me fait la gueule d’abord, on me bast froid, on me la baîlle belle, et… en fin de soirée on vient me complimenter. J’ai toujours évité. ce genre de pré- jugement sans connaître quelqu’un. Quoique je ne dois pas être sans péché, je suppose.
J’observais à Rim-Ouski ces très jeunes vidéastes, mouches fourmillantes autour de nous. Une belle jeunesse. De la ferveur. Partout, ainsi, des jeunes « capteurs d’images », caméscope au poing, se débrouillent en des projets divers. Cherchent à marquer un espace bien à eux. Pisser son territoire ? Avec des signaux personnalisés. Singuliers. Originaux. C’est pas facile et cela m’émeut toujours.
Il vous vient des gens étonnants à un kiosque d’exposant. Un prof de littérature de l’UQUAR, vient causer. C’est un spécialiste du surréaliste Marcel Duchamp. Il a publié une brochure « C’est… » (Gramon éditeur) sur ce peintre étonnant. On en jase. Je l’admirais .Son » Duchamp. Ce jeune prof érudit, cultivé, m’a étonné. Il enseigne en province québécoise (ne jamais dire « région », c’est trop con ), loin d’un milieu vraiment stimulant et semble en être fort heureux.
Le fafouin rouynesque, Léandre B. me corrige : « faut pas dire « barbàqueue », Jasmin, pour BBQ, mais « barbacoa », c’est du portugais ». Bergeron, l’habitant abitibien (qui achètera peut-être les lamas de Gilbert Forest) me révèle qu’après ce Manitoba natal quitté, avant d’être célébrer en « joualeur » lexicographe et historien iconoclaste, il vécut deux ans à Paris-France, y fit un thèse de doctorat sur Valéry, sioupla ! Envie de le vouvoyer !
Ring, ring ! C’est la recherchiste cibicienne (de CBC) : « Allô! Pour votre topo de mardi, vous voulez bien venir jaser sur la mode, le besoin, de la généalogie qui taraude tant les nôtres ? » J’ai dit « oui’ ». J’avais pris, en vain, des notes sur les jeux à inventer pour les gamins. À plus tard, chères notes.
À un repas d’Hauteurs (hum !) sur la rive du grand fleuve, Rivière et Leblanc partent en contes noirs sur les Acadiens déportés, exilés aux quatre horizons —Londres, Poitou Australie, Louisiane surtout— leurs ancêtres. Je m’instruis encore sur ce génocide monarchiste. Fi du refus du « Serment du Test », raison ajoutée. (Appris à mon école ). Les colons des alentours —de Boston à Portland— et non pas les blokes d’Angleterre, stimulaient ce bal armé (1755), un « nettoyage ethnique » radical, pour, avant tout, faire main basse sur les champs cultivés —depuis 1600— et les magnifiques troupeaux de ces agriculteurs évolués.
Amusant : les réfugiés acadiens aux îles françaises de St-Pierre et Miquelon déguerpissaient lors de la révolution de 1789 : la peur d’un gouvernent anti-catholiques.
Tout ce jour la belle lumière bleue et blanche (québécoise !) a régné. Lu : il nous faut (dénatalité funeste) 40,000 nouveaux venus au Québec seulement. 50% seront francophonisables…les autres ? Ah ! Problèmes en vue. Pas question à Québec de stimuler, d’encourager les jeune couples à avoir davantage de rejetons. Les argents à investir sont-ils comparables ? Sais pas. 15 sur cent iront en…provinces québécoises (ne plus dire, oui, régions). Les autres, surtout à Montréal, enverront les enfants aux collège anglais. C’est permis. Comme mon David rendu à Concordia ! Comme Laurent, c’est probable, ira là aussi. Je ne me mêle pas des enfants de mes enfants à ce niveau.
Grosse nouvelle du jour :madame Robillard menace. Les cadres fédéraux seront punis s’ils ne deviennent pas vite bilingues ! Quelle farce ! Des talents forts, utiles aux Canadians, seront ainsi chassés. Pour faire croire à un Canada bilingue. Fumisterie. Voyez-vous ça à Québec, les « pas bilingues » dehors ! Un gaspillage insensé pour un maquillage idiot. Le Canada est un pays anglais, le Québec est (sera?) un pays français. Et il y aura, ici et là, des personnes bilingues, trilingues, etc. Voilà le bon sens.
Curieux : moi l’auteur de « Pleure pas.. », me sens mal à mon aise en écoutant le gras joual de « Autour de Nana » à CBF-Fm, le matin. Aile : « Moi aussi. On dirait que c’est une vieux jargon d’antan. D’il y a très longtemps. Au théâtre chez « Duceppe », (« L’année du championnat ») vendredi soir, mon grand malaise en entendant ces sacres en litanies incessantes, cette parlure en joual gras. On a collectivement changé, on a évolué » ? Cependant Aile a trouvé très bons les acteurs, Michel Dumont très fort en « coach » vieilli.
J’entends —à « La tribune du Québec »— dire : « pour colmater la brèche », je songe à « pour calmer Labrèche ». Mon cher « Laideron avec une chaussure jaune » hier, avec le comique Lemire, pétait le feu des quatre fers. Rien à colmater ! S’il le décidait sa série-télé vespérale grimperait carrément au vaste ciel du surréalisme créateur…et perdrait le monde ordinaire… mais ce serait un réel événement télévisuel. Il ne le fera pas. Il ne peut pas. Les autorités le stopperaient en cours d’envol. Maudites crottes d’écoute !
Yann Martel, lauréat heureux, se voit accuser. « Saudit copieur d’un roman brésilien ». Affaire-bidon je crois, à suivre néanmoins. C’est la forme d’une création qui est exclusive, mon premier éditeur, Tisseyre m’avait expliqué cela, me disant : « on ne peut mettre sous copyright une idée.»
Je sens une conspiration du côté « ailé » des choses, un souper d’anniversaire à un restau italien avec « la bande des six. Fou mais je n’aime pas trop ça. Une gêne. Sauvage ? Oui.
Hier, à TV-5, le 19 en Laurentie, un très fameux docu-télé sur la guerre inégale entre colons protégés juifs et Palestiniens encerclés. Floppée de noms hélas. Pas facile à suivre. Un pourtant bon travail avec de bonnes archives visuelles. Suite ce soir. Je veux pas manquer ça.
Dan Bigras, le chanteur, a un fort bon « naturel’ en jouant dans la série Tag que je regarde d’un œil…Je préfère lire le magazine spécial (Nouvel Ob) sur la vie et les ouvrages du philosophe Nietzsche, là, je l’orthographie comme il faut ce nom du bizarre penseur allemand, tombé fou raide (1880 ?) à la suite d’une querelle pour défendre, à Turin, un cheval fouetté ! Souvent du blablabla par des jargonneurs savantasses parfois des articles clairs.
Toujours décousu et pas si fort que le prétendait Foglia ce roman juif new-yorkais, bohème-bourgeois, signé Blank (« Manuel à l’usage…des jeunes filles »). Je le continuais en attendant tantôt l’ouverture des comptoirs de l’École hôtelière, rue Lesage. Bon stock aujourd’hui. Je reviens les bras chargés. Aile toute contente. Découvrant un cake aux fruits sucrés…un index levé…a m’fait peur torrieu !
J’ai osé découper les pages à chansons du livre de Brouillard reçu à Rim-Ouski. Gros yeux encore de mon Aile chérie ! « Quoi ? C’est pour cette fête chez Lucille C. bientôt. On va pouvoir chanter ». Aile : » Clo, faut laisser les organisateurs organiser cette fête comme ils l’entendent, tu n’as pas à t’immiscer… » Toujours le gamin en faute, moi !