« SANTA CLAUS-GODBOUT ? »
19 août 2006 | 1-Tout, Lettres ouvertes, Poing-comme-net
Fin du Québec français en 2076, dixit un prophète de malheur. Aperçu, rentrant de Paris, mon Jacques Godbout venu entendre l’étonnant Fabrice Lucchini sur Céline (l’autre), il m’a paru en bonne et belle forme. Or, on vient de lire dans « Actualité » qu’il prévoit son prochain tombeau et aussi celui du Québec, il entraîne à son cimetière son interviewer, Vastel. Diable ! Avant de crever, il avertit les populations : « Après moi le déluge ! »
Godbout annonce donc la fin (solution finale) de la québécoiserie et donne même une date précise : 1976 ! Seigneur ! Nous sommes du même âge, Jacques et moi mais voyant tous ces jeunes adhérer à l’indépendantisme avec le jeune chef André Boisclair, voyant aussi —un exemple entre plusieurs autres— la nouvelle fougue patriotique des jeunes rédacteurs du mensuel Le Québécois, son verdict de mort annoncé, comme dirait l’humoriste, «c’est nettement exagéré ». J’ai grande confiance aux jeunes générations pour poursuivre l’essentiel combat d’un coin d’Amérique du nord tout en français. Quelle mouche l’a piqué ?
Camus écrivait: « Il est interdit de décourager les hommes », Godbout —tel le Meursault de « L’étranger » (lecture actuelle de W. Bush)— tue. Il tue l’avenir, il tue l’espérance, il assassine un idéal. Comme Godbout, froid, hautain, indifférent, cynique, le héros de « L‘étranger », Meursault, ne s’explique pas. Quant à l’ex-élève du chic Collège Brébeuf, il avance sans rire que sans le « cher bon vieux cours classique » des curés d’antan, il n’y a plus aucun progrès.
Une nostalgie surprenante pour ce militant de laïcisme. S’agit-il d’une sorte d’égocentrisme ? Tel le grand chef revenu d’exil, un Papineau découragé, amer, qui recommandait en fin de vie de nous annexer tout bonnement aux USA ! Dans le trafic nouveau, on a envie de bousculer certains défaitistes en leur disant : « Move Santa Claus, move ! »
Jadis, Godbout m’a qualifié d’ « excellent baromètre de nos humeurs » et j’ai dit à cette époque qu’il était « un excellent dé finisseur de nos situations ». Le temps a passé. Déçu et serein néanmoins, Godbout palabre légèrement sur les futurs jeunes pèlerins venus à son cimetière. Eh bien, oui mon Jacques, en 2076 il y aura encore des Québécois jeunes et fiers qui iront « cracher » (ô Boris Vian !) sur ta stèle illustrant que le combat continue. La Grèce a attendu de nombreux siècles avant d’obtenir enfin son entière liberté, pas vrai?
Tel un Jacques Parizeau, son interview fait voir sa méfiance des nouveaux venus. Cela avec un zest d’arabophobie. Or, qui ne connaît pas des maghgrébins —par exemple— ayant pris position en faveur d’un Québec libre ? Aimant ce romancier et cinéaste doué, j’ose croire à un moment de déprime et souhaite qu’il s’en sorte au plus vite. Jacques, en 2076, les petits-enfants de tes petits enfants, parleront français, vivront en français, allons, allons !
M. Jasmin,
A tête reposée, en quoi les propos de Jacques Godbout sont-ils à ce point décrochés d’une réalité fort plausible? Où affirme-t-il qu’il n’y aura plus de “progrès”? Est-ce une fausseté que d’affirmer que les jeunes “n’ont plus les références que nous avions et qu’en sciences où nous étions pourris et nuls, ils ont des experts très avancés, qui travaillent comme des fous à des projets de société”?
Quelle hérésie, n’est-ce pas, d’affirmer que “le Québec de demain sera ce que les gens qui y seront voudront qu’il soit”! Dans un entretien accordé au regretté Serge Turgeon le 27 septembre 1997 au “magazine 7 jours” (eh oui!), le non moins regretté Pierre Bourgault n’affirmait-il pas que “si l’indépendance n’arrive pas je n’arracherai pas mes vêtements sur la place publique”. Pourquoi reprocher à Godbout des propos que ne renierait même pas le grand tribun de l’indépendance? Lorsque Godbout conseille aux jeunes “de discuter avec vos aînés pour aller au fond des choses et qu’on a caché l’histoire depuis 20 ans, tous partis confondus” et que “l’on vit dans une société mal informée et facile à manipuler”, vous allez le contredire, vous qui fréquemment dites essentiellement la même chose?
Au risque de se faire traiter de “colonisé” et de “fédéraste”, est-il permis parfois de regarder les choses en face? Est-ce qu’une victoire “arrachée par la peau des dents” (comme ce serait éventuellement le cas) accorderait au Québec, qui me passionne autant que vous,
la latitude d’action et de reconnaissance pour agir à sa guise? Autrement dit, à moins d’une VOLONTE DU PEUPLE CLAIREMENT EXPRIMEE, quelle serait la valeur d’une “indépendance de quêteux”? Se fier “aux chapelles” pour affirmer sa conviction de la pérennité du français en Amérique, n’est-ce pas pour le moins présomptueux? Soyons clair: nonobstant toutes les failles et malversations de ce “maudit fédéralisme”, où M. et Mme Tout-le-Monde se battent-ils corps et âme pour l’accession à l’indépendance?
En 1980, on a même refusé à René Lévesque le mandat de simplement négocier une souveraineté-association! En 1995, nonobstant le scandale des commandites et du référendum volé, nous l’avons échappé belle! Est-ce raciste de la part de Parizeau d’affirmer de nouveau sa “méfiance du vote ethnique”? Devrons-nous nous fier sur les “rares maghrébins” ou autres pour acquérir une indépendance que les Québécois “dits de souche” n’ont jamais eu le courage de se donner alors qu’il en était encore temps? Comment peut-on affirmer péremptoirement en 2006, qu’indépendant ou non, le Québec ne sera pas assimilé dans 75 ou 100 ans?
Comme le disait René Char (bien avant Lucien Bouchard): “la lucidité est la blessure la plus rappochée du soleil”!
A la revoyure!
Note du Webmestre:
Lire la lettre de M. Samuel dans le Devoir du 28 août 2006.
Il m’arrive bien souvent de me sentir ridiculement insignifiant, perdu dans mon anonymat mais comme je vous ai déjà dit : “j’aime écrire”. Dans un de mes petits écrits j’ai prédit la dissolution de l’ONU pour 2097.
Qui m’en empêche ? O.K. d’accord je suis inconnu et sans grande répercussion…
merci de pouvoir vous lire
“Lorsque Godbout conseille aux jeunes “de discuter avec vos aînés pour aller au fond des choses et qu’on a caché l’histoire depuis 20 ans, tous partis confondus” et que “l’on vit dans une société mal informée et facile à manipuler”, vous allez le contredire, vous qui fréquemment dites essentiellement la même chose?” (Pierre Samuel)
C’est le coeur du problème.
Les aînés, par le mythe d’une société laïque, ont enterré les références qu’ils ont le rôle de transmettre aux plus jeunes.
Le combat pour la laïcité n’est qu’un mythe qui cache en fait un combat contre un catholicisme complètement à l’opposé des nouvelles valeurs que les autochtones nous ont transmis non seulement par nécessité de s’adapter à ce nouveau pays mais aussi par le métissage plus important que ne laisse croire l’histoire traditionelle.
Ce pays a imposé son âme à tous ceux qui sont venu s’y établir, mais plus efficacement aux Canadiens-Français qui n’ont pas rebutter, à l’instar des anglais, de se métisser avec l’amérindien.
Si nos jeunes naturellement se sentent croire en la nature et portent l’écologie pratiquement comme d’une religion, ce n’est certainement pas le rôle de nos aînés de leur transmettre les valeurs catholiques de l’homme dominateur de l’environement.
Nos jeunes ont l’âme à la bonne place. Ils retrouvent l’amour du pays, le vrais, pas le concept.
Il reste aux aînés à leur transmettre le lien fondamental et profond qu’ils ont avec ce pays et qui leur dit qui ils sont.
Godbout le défaitiste vs Jasmin le positif.Il va s’en dire que je penche d’un côté.Camus écrivait: ”Il est interdit de décourager les hommes”
Du mal à comprendre que des défaitistes s’évertuent à tenter d’en entrainer d’autres dans leur morosité.On perd un temps fou à déboulonner les références à une apocalypse annoncée et à d’éventuelles pluies de sauterelles.J’ai envie de dire comme Falardeau:”Si t’es fatigué,vas te coucher.
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A François Lacombe:
En quoi est-ce “défaitiste” d”enlever ses “lunettes roses” et d’oser se questionner sur l’avenir du Québec, qu’il devienne indépendant ou non, en se basant sur des faits bien réels: dénatalité, déperdition de notre culture et de notre langue face à l’américanisation galopante de notre société, immigration “non intégrée”? C’est justement en allant “se coucher” comme vous le dites, qu’on a de bonnes chances de “rêver en couleurs” comme les “gardiens de l’orthodoxie”, toujours prêts à “marquer au fer rouge” et à ostraciser ceux qui, malgré tout, gardent les yeux ouverts! On peut difficilement affronter l’obstacle en niant l’évidence! Comme le disait également Albert Camus:
“Ce qui fait la dignité de l’homme, c’est qu’il se tienne debout sans espoir de récompense”!
Pierre Samuel,qui parle d’ostracisme ? Godbout a donné son opinion et nous réagissons.Le Québec vit toujours et s’est modernisé.Il n’y a pas de destruction de la Nation.Je trouve qu’on fait trop souvent peuple de chevreuils qui a peur de leur ombre.Des exemples d’intégration des immigrants,il y en a.
Godbout dit:”On sous-estime le fait que la soucoupe branchée sur Al-Jazira ou d’autres chaînes étrangères empèche ces gens de regarder la télévision indigène, qui, elle, ne les intéresse absolument pas. Donc, ils s’intègrent même pas le soir en rentrant à la maison. Ils sont entre eux.”
So what ? Je ferais pareil.Et dans l’espace public,au travail,à la clinique,dans les commerces,ils sont toujours entre eux ou avec nous.Et attention,la deuxième génération,c’est autre chose.
Godbout s’inquiète pour notre société laique.Moi aussi.Mais ces derniers temps,l’assemblée nationale a voté à l’unanimité pour bloquer la charia alors qu’elle est venue à un cheveux de passer en Ontario,Charest a dû reculer sur la question du financement aux écoles privées juives.Sur la question du Kirpan,la cour du Québec a dit non,mais la cour suprême a renversé la décision.Donc,les exemples d’une volonté laique sont là.