Claude Blanchard: MORT D’UN P’TIT VOLEUR !
23 août 2006 | 1-Tout, Poing-comme-net, Portraits, Requiems, DEVOIR DE MÉMOIRE, Souvenirs
Sidérés nous étions, entendant Blanchard, enfant pauvre, livreur à vélo, raconter au Canal D, qu’il « démanchait » souvent ses « commandes » pour garder à sa mère, veuve pauvre, une côtelette de porc, quelques saucisses, ensuite il refaisait en vitesse le paquet à livrer. Ô rue Ontario en 1940 ! Où, un peu plus tard, rue Amherst pas loin, un autre garçon se prépare à quitter son atelier pauvre pour obtenir, à Paris, une si fameuse renommée qu’il collectionnera des voitures de luxe, aura un voilier de luxe au large de Nice, Jean-Paul Riopelle. Quand, à 14 ans, Claude Blanchard perdra son pucelage avec des « vieilles » danseuses de vingt ans (!), qu’il s’égosillera dans des boites de nuit mal famées, qu’il sera initiée au « tap danse », moi, en uniforme gris et bleu, j’étudiais le latin et le grec ancien. À bon marché puisque je mentais : « Je ferai un prêtre plus tard ».
Ô rue Ontario ! Un snobisme chasse l’autre ? Un temps, nos élites de l’Union des artistes méprisaient ces « venus du burlesque ». Un snobisme inverti maintenant car une certaine élite proclame que ces anciens d’un vaudeville pitoyable furent de grands créateurs. Pas moins ridicule. Ces spectacles grimaldiens contenaient surtout des sketches d’un humour très bas exploitant les fantasmes les plus grossiers, improvisations bâclés pour faire rire un public d’aliénés. Un opium. Ce théâtre de ruelle ne faisait rien pour stopper l’exploitation des ignorants, au contraire. Mais dans ce lot de cabots cochons sortaient de vrais talents, des exceptions, et il y eut Claude Blanchard. Nous partagions la même loge chaque fois que l’on m’invitait à « débattre » au populaire talk-show « Madame est servie ». Michel Tremblay a raison quand il affirme être devenu « un personnage public » reconnu à cause de ses prestations à « Madame est servie ». La vérité. Claude Blanchard co-animait en faisant intervenir des personnages hilarants d’une efficacité redoutable : un explorateur fou prétentieux, un arriéré mental plein de bon sens (dont il fera un gamin, épais), un peintre efféminé émouvant et, enfin, un caïd maffieux —facile, il en avait tant côtoyé en night club. Son talent d’acteur crevait les yeux et je lui avais concocté une dramatique où il devait incarner son cher quatuor. Le projet, hélas, avorta. Plus tard, il m’organisa un vaste caucus à son « tape à l’œil » bureau, rue Sherbrooke. Je me serais cru chez un « parrain » Italien. Mon Claude agitait son gros cabochon, frottait d’haleine ses boutons de manchettes, fumait le cigare chérant et se remplissait de rhum, son élixir quotidien d’avant ses maladies. Propos du meeting ? Blanchard allait louer tout un bloc d’appartements, m’indiquait l’adresse, me montrait des photos, il y aura cinématographie dramatique, je devais, vite, lui rédiger une « bible » en vue d’un feuilleton dont, producteur, il allait jouer le héros. Il cherchait des commanditaires et la promesse d’un diffuseur. Je le fis. Cela aussi tomba à l’eau, Dieu sait pourquoi.
On sait la suite : enfin une reconnaissance de ses dons naturels, une solide réputation, des trophées en bout de piste, la gloriole méritée. Il y a peu de temps, il m’invite chez Marcotte en son resto de l’île Sainte-Hélène. Projet de feuilleton encore, une idée de sa jolie et jeune biographe, présente à notre table. Je refusai son maillage n’étant pas du genre à écrire « en comité », pas même à deux. On se quitte et lui : « Tu me déçois mon Jasmin, tu me déçois ». Ce bon géant me faisait la baboune et j’en était attristé car on voulait toujours lui faire plaisir tant il montrait d’enthousiasme enfantin dans ses illuminations.
À l’annonce de sa mort, très triste, je me suis souvenu du p’tit voleur de dix ans à vélo, rue Ontario, qui refait vite les paquets « démanchés ».
Adieu fabuleux gros ourson rigolard, adieu !
Comme le disait Dominique Michel à l’émission matinale de René Homier-Roy, il n’en reste plus beaucoup de ces gens qui ont travaillé dans les cabarets à une certaine époque, elle semblait bien attristée, je peux comprendre.
Monsieur Blanchard n’est pas de mon époque mais je suis quand même attristé, on voyait que c’était quelqu’un qui avait travaillé fort, toute sa vie, sans avoir été une personne parfaite bien évidemment !!!!!.
Toujours contente de vous lire monsieur Jasmin.
Claude Goyette
Un hommage comme je les aime, court, percutant…intime aussi.
Bonjour M. Jasmin,
Moi aussi, j’ai eu un pincement au coeur en apprenant le déces de M. Blanchard.
L’ironie veux qu’étant (ti-cul) de 12 ans à l’époque, soit fin des années 60, j’avais de la parenté à Répentigny à trois maisons de chez lui. Quand j’en avais la chance, je partais en chaloupe à rame sur le bord du fleuve et je me rendais chez M. Blanchard. J’étais toujours accueilli très gentiment et je me faisais gâter par des friandises et de bonnes blagues qui me faisait rire et me transportait dans un autre monde, le sien, avec Nestor et ses autres personnages pour enfants. Puis je repartais la tête remplie de mille merveilles et me gardait joyeux pour des jours avenirs…
Quand on a côtoyer le personnage de près, c’est nettement plus difficile de comprendre son départ…
Encore mille mercis M. Blanchard d’avoir égayé ma jeunesse!
Votre hommage M. Jasmin m’a bien toucher…
Gaëtan Deschênes
Quand je pense à nos burlesques qui ne trouvent aujourd’hui qu’à nous inspirer My Fair Lady, je ne serais pas du tout surpris d’apprendre que Benny Hill doit tout à Claude Blanchard.
Si aujourd’hui on peut tout revoir de Benny Hill, sur DVD, “Que nous reste-t’il” de Claude?
Quel autre peuple efface ainsi son histoire?
Bonjour Monsieur,
Comme vous tous il me manquera, c’est une partie de mes souvenirs qui curieusement reprennent vie.
Je salue un homme, ciao Claude Blanchard.
La vie lui a apporté des difficultés comme à nous tous. Mais dans son cas étant un homme public il se devait de ne rien laisser paraître.
Mon Dieu comme il n’est pas toujours évident d’être joyeux quand la peine nous entoure.
Donc on peut dire de lui qu’il était un homme de devoir malgré le snobisme dont il a subit les assauts dans sa vie.
Le milieu artistique n’est pas toujours facile à apprivoise, maintenant, selon mes croyances, qui étaient aussi les siennes,malgré que nous pleurons tous une grande perte, je lui souhaite le plus grand des repos avec sa maman.
Touchant. Petit moment d’éternité. Merci pour nous rappeler la provenance des choses, des parfums, des images, des gens qui marquent notre vie. Salue Monsieur Blanchard!
Bonjour monsieur Jasmin,
J’espere que vous allez bien, peut-etre que vous prenez simplement une p’tite vacances de fin de saison?
Sachez que l’on vous attend!