LA SOUFFLEUSE QUI AVALE LES ENFANTS !
3 janvier 2007 | 1-Tout, Poing-comme-net, Souvenirs
Un bobard ? Une rumeur des « vieux » pour effrayer les enfants ? Nous avions un petit peu peur mais, gamins, on continuait à creuser des tunnels et des forts-de-neige dans les hauts congères du bord de la rue. C’était au temps où l’on déneigeait pas bien rapidement les voies publiques en hiver. Après chaque grosse tempête, après le passage de la charrue à deux chevaux, c’était la récréation folle. Hauts murets de neige tassée bienvenus et nous sortions nos pelles —toujours peintes en rouge, tiens !
Oh le bon temps des enfants-architectes à mitaines, à foulards et tuques, élaboration de labyrinthiques tunnels le long des trottoirs. « Prenez-garde ! —répétaient les empêcheurs de jouer librement— la souffleuse vous avalera tout rond ! » Ah, ces parents timorés !
Cinquante ans plus tard, voyez-moi en ces années 1990, retraité, cheveux blanc et rares, pis de nostalgie de ces creusages impétueux et qui part, avec mes gamins, à la recherche des « bancs de neige » d’antan. Je tentais de transmettre une tradition enfantine, avec les fils de ma fille, David, Laurent et le benjamin, Gabriel (le musicien-corniste dont j’ai parlé), chacun avec sa petite pelle d’architecte… recherche de hauts congères et, bingo !, voici un dépôt à neiges municipal. Au bord de la rivière des Prairies dans Ahuntsic. À l’ouvrage, les gars ! Leur vif plaisir, total, de s’enfouir à quatre pattes, pelle à la main, petits grouilleurs qui crapahutent sous la neige, aménageant un, deux, trois tunnels, pratiquant des ouvertures en mini-tours de guets pour y planter des drapeaux de guenilles. Des heures de joie rare.
Le papi rentrait pour la soupe du soir tout essoufflé mais ragaillardi, si heureux de ce retour-en-enfance, une plongée salutaire. L’éternel retour, M. Nietsche ? Jeux d’hiver qu’ils estimaient et gratuits. Combien coûte une cassette-à-jeux sur ordinateurs ?
Avec les fils de mon fils aussi, Simon et Thomas, même quête de neige tombée. Comme ils habitaient au centre-ville, difficile de dénicher un himalayen tas de neiges. Alors, dans leur cour de la rue Garnier, vite, construction de deux forts, en face à face. Organisation des cachettes, accumulation de munitions de boules de neige et… Feu ! Avec cris et défis, attaques pour parvenir à enlever le drapeau ennemi. Le vieux papi voudra s’associer volontiers au clan des plus jeunes, des plus faibles. Batailles très sérieuses, ça rampe, pauses, stratégie et tactiques… me voilà tout emporté, gamin par magie du jeu, oubliant mon vieil âge, je lance un épais pavé de neige à la face d’un garnement du fort ennemi ! L’enfant en tombe et… il pleure ! Vite redevenir —vieillard honteux— l’arbitre, le moniteur neutre, qui s’excuse. À genoux !Je retire la neige du petit visage d’un copain de Simon, Michael. L’effet d’un débordement candide quand le jeu exige trop de réalisme, vieux bêta va !
Quoi, quoi ?, j’étais en 1940, pas en 1995 ! J’étais soudain dans ma ruelle derrière le cinéma Château, je n’avais pas 65 ans, pas du tout, suant, le nez gelé, la morve dans la moustache, j’avais dix ans ! N’est-ce pas merveilleux ?, j’étais de nouveau Tit-Claude. Face à Tit-Gilles et Tit-Jacques. J’étais un artilleur intrépide, un tirailleur intrépide ! Réveil brutal rue Garnier.
Un commandement : « tu ne joueras plus » ! Mais sur quelle « Table de la Loi » nouvelle est inscrit cet ordre et quel Moïse invisible ordonne aux vieilles personnes : « Défense de jouer » ? « Les enfants qui jouent » —salut poète St-Denys-Garneau !— ne subissent aucune rectitude. Me voyant participer à leurs jeux, l’un d’eux me pousse rudement, me lance : « Otes-toi donc de mon passage ! Tu sais même pas viser ! Regarde-moi bien faire ! » Je riais intérieurement de ces insolences, l’égalité soudaine malgré les ans et foin du respect habituel, pas de politesse. J’acceptais volontiers la règle du jeu, oui, « au plus vaillant le drapeau convoité » ! Feu ! Feu !
Précoce noirceur d’hiver et je rentre, fourbu, éreinté mais si vivifié. La compagne de vie, pas encore retraitée, elle, qui revient du boulot, me questionne : « D’où viens-tu, qu’as-tu fait de bon cet après-midi ? » et m’entendre : « Oh bof, j’ai un peu fait jouer dehors les petits-fils… » Incapable de dite la vérité : « J’ai joué autant qu’eux, j’ai fait pleurer un copain de Simon et Thomas venu de la rue Marianne… ». Mon silence coupable sur le vieil homme se prenant pour un guerrier de dix ans.
La souffleuse municipale, monstre aveugle, un mauvais jour —c’était en « page trois » des quotidiens de 1945— avalait tout rond un jeune architecte en labyrinthes. L’horreur ! Mais c’était loin, dans un autre quartier, tout de même, rue Saint-Denis, nous avions cessé de jouer dans les congères durant au moins une bonne semaine !
Et oui belle époque. Drole pourtant moi qui ne me considère pas vieux (58 ans) je me souviens de l’époque ou nous avions un glacière à la maison, ou l’on nettoyait les trottoirs avec un cheval attelé a une grate. D’inombrabe batailles de boule de neiges; Habitant sur un boulevard nous avions construit notre château-fort en plein milieux. Deux camps les anglais(1) Écossais (10) et 2 canadiens français. Contre sept françaises dont les parents refusais de s’intégré.
De la première parade de noël télévisé (en 52 si ma mémoire est bonne). Visionnement gracieuseté d’un bon vieux Irlandais qui avait invité tout les enfants chez lui pour voir cette parade à la télévision. D’ailleurs il devait être la seul famille avoir une télévision en cette petite ville de Farnham.
L’époque ou mon père fesait un salaire astronomique de 44$/semaine. Des vendredis soir ou j’étais réquisitionné avec ma voiturette pour ramener l’épicerie à la maison.
André (dubuisson)