« ET MOI, ET MOI ? » (air connu)
28 juin 2007 | 1-Tout, Poing-comme-net
Ça parle au yable ! Un sénateur riche et puissant, lit-on dans nos gazettes, invite à un repas privé le député et chef de l’opposition, le jeune Mario Dumont. Et moi, et moi ? Jamais de ces alléchantes invitations ? Pourquoi donc ? M. le fier sénateur veut sonder « les reins » de son homme encore inconnu. Méfiance ? Et mes reins à moi ? De la schnoute ? C’est bin pour dire hein ? Un écrivain, bof, on lui donnera des médailles un jour ou l’autre. Mais pas de ces oiseaux à notre table ! Oh non ? On se souviendra de la ruée des « puissants », discrets et pressés, un midi, vers un club privé afin de rencontrer ce jeune nouvel élu ! Hélas, un reporter de télé les montra, comme honteux, embarrassés, chapeaux baissés, filant vers leur caucus « secret ». Tout cela pour vous parler des « importants ». D’un monde à part. ET qui veille sur leurs intérêts : « Qu’est-ce que ce nouvel arrivage politique va faire ? Nuire aux entrepreneurs trop entreprenants ? Faut savoir, alors, allons bouffer en chic club privé et questionnons un homme qui pourrait bien se retrouver aux commandes de l’État. »
Pis toi mon petit bonhomme, silence, il y a la démocratie et tu iras poser ton « X » en urne (de carton). Ma mère et mon père me parlaient « des gros », de ceux qui mènent. Je sentais comme un mystère. Quoi ? Il y avait donc des citoyens au dessus des autres ? Évidemment, nous savions, même enfants, qu’il y avait une classe sociale au dessus de nous, les riches. Cependant l’on s’imaginait que tous étaient égaux, et pas seulement devant la loi mais comme électeurs. Mensonge. Avec l’âge, l’innovent gamin, apprendra. Qu’il y a, non seulement le favoritisme (nommé jadis patronage), mais des cercles où la sélection va de pair avec le pouvoir. Qu’il y a « des » pouvoirs. Qu’il y a la caste dite des démarcheurs, mieux connu sous le nom de « lobby ». Même un efficace tribun populiste comme René Lévesque devait mettre en marche des rencontres « au sommet », en hôtels chics, avec buffets luxuriants, où l’on essaya de réunir les intérêts « des gros » avec ceux des travailleurs.
Ainsi au vaste domaine du puissant magnat Paul Desmarais, dans les hauts de Saint-Irénée, il y a eu, et il y a encore, de fastes fêtes. Co-patron d’une immense compagnie commerciale en pétrole français, Desmarais recevra même un président (M. Chirac) ou tout autre grand ministre important. Vous pouvez bien gagner le Nobel de littérature, c’est futile, il n’y aura pas d’invitation à ces plantureuses agapes dans les immenses jardins de l’oligarque en Charlevoix. C’est en un tel party aux allures monarchistes que se traitent « les affaires ». Ces oligarques détiennent d’immenses influences et sont capables de pressions inouïes. Liberté ? Aux ordres, la presse comme les politiciens. Avez-vu ? Sarko élu, vacancier choyé sur un super-yatch de richard autour de Malte ? Il y a pas bien longtemps on a vu, à Venise « sioupla », un caucus festif d’un milliardaire (boss de Vivendi), y étaient présents les grands patrons en médias : radio, télé, presse. Le gratin en communications… et donc manipulations. La liberté des journalistes ? Ouen. Desmarais, proprio de La Presse (et de tant d’autres canards) choisit « son » homme de confiance, le directeur. Ensuite ce dernier choisit « son » éditorialiste. Ce dernier contrôle les chefs de pupitre. Voyez-vous la chaîne ?
Quoi faire ? Allez emprunter à votre biblio un tout récent bref ouvrage instructif : « Comment les riches détruisent… » de Hervé Kempf. L’auteur parle de l’égocentrisme le plus souvent a-social des « crésus » de la planète. Il révèle que « le mal » de la surconsommation (engendrant pollutions et gaspillages) est ancien. Qu’il vient du deuxième instinct -après celui, fondamental, de « conserver la vie »- l’instinct d’imitation. UNE ENVIE HUMAINE irrépressible : copier le riche, source de tous nos maux. Kempf dit qu’en 1899 (!) T.Veblen publiait « Théorie de la classe des loisirs », un ouvrage débusquant cette « racine » de nos dérives. Kempf souligne aussi un autre livre. Écrit bien avant le bouquin sur ce même sujet « Le don » de notre sociologue Jacques T. Godbout. « Essai sur le don » par Marcel Mauss (1923). Ces deux auteurs pointient le coupable : nous. Toi, lecteur. Moi. Notre manie de vouloir copier le riche du palier juste au-dessus. Adepte, mais piteux, de « la simplicité volontaire », je résiste au cellulaire, à la télé numérique, HD, etc. et parfois je succombe, l’ordi à haute vitesse). Reste mon sujet : les rencontres, les sordides et intéressés « pré-arrangements », les accords clandestins entre élus-du-peuple et les « gras-durs ». Surveillez bien, du fond de votre cour, vos chers élus s’embarquant avec limo et chauffeur pour un party privé. Ces dîners en beaux jardins défont illico votre pauvre petit bulletin démocratique, hélas !