« UNE POUPÉE INTOUCHABLE »
18 décembre 2007 | 1-Tout, Contes, Poing-comme-net, Souvenirs, contes de Noël
Note aux fidèles : pas de conte lu au 98,5 de Paul Arcand cette année. INÉDIT : Conte dédié à « Grand Corps Malade », tel un slam par CLAUDE JASMIN
C’est la poupée dans vitrine Parent que ma sœur voulait !
Ma sœur fondait en pleurs rechignait… boudait
Un Noël pourri, ma sœur Marielle en avait sur le coeur
Ma mère y avait dit « Non, trop cher, fais-moi pas peur !
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Marielle a fini par gagner, maman est allée rue St-Hubert
Pauvre môman : des mois avec son compte ouvert
La réserver, en payant en quatorze versements !
Ma sœur traînait devant la vitrine «Jouets-Parent »
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Une beauté : une déesse de rêve, la robe brodée
Bras ouverts dans sa grande boite de fée
Beauté rare derrière son couvert de cellophane
Marielle, ma soeur, l’attendait comme la manne
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À Noël, l’an passé, ce fut donc le cadeau des cadeaux
Moi, mon gun neuf, elle, sa poupée:un cadeau si beau
À Noël, ma mère dit : « Regarde-la, mais « pas touche »
La poupée resta dans sa boite, remisée. Sur la touche
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Dans le haut du garde-robe, juste le droit de la voir
La regarder à travers le cellophane chaque soir
Pire qu’un Saint-Sacrement, l’Hostie consacrée
Marielle la descendait juste pour la contempler
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Yeux bleus, cheveux dorés, broderie fine
Une sainte-nitouche « Made in Italy », ce qui rime
Avec folie, avec frénésie; sa durée ? toute l‘Éternité.
Un trésor intouchable, qu’il faut pas abîmer
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Au Noël suivant, Marielle a voulu un p’tit set de vaisselle
Alors maman a dit : « tu pourras caresser ta belle
Oui, tu pourras ouvrir la boîte, la développer
Après le Réveillon, tu la prendras, sans l’abîmer !
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La veille, le frère Ernest nous a dit : « J’ai eu une idée »
Pour gagner cinq piasses ? Juste m’apporter une poupée
« Le curé veut, dehors, une vraie crèche de Noël
Des paroissiens vont figurer dessous « l’étoèle »
……
Les trois rois mages y seront, me faut un beau bébé
Pas de vieille catin, une poupée avec robe brodée »
Cinq dollars !, ça valait le risque : j’ai volé la poupée
Le frère Ernest l’a apprécié, a sorti un 5, m’a payé
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J’me disais : après la Messe, j’la ramène
Marielle saura rien : « je me vois qui se démène »
Mais y a eu une pratique, des flambeaux allumés
Et le feu a pogné ! Incendiée, ma poupée volée
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Pis pas de crèche vivante pour la Messe de Minuit
Revenus, le Réveillon avalé, ma mère a dit
Marielle tu vas au lit mais, oui, « AVEC » ta belle poupée
La garde-robe ouverte, l’escabeau, j’aurais voulu crever
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La poupée derrière son cellophane : n’a plus, disparue !
Les cris : « Des saudits voleurs sont venus ! »
Marielle pleurait fort et moi j’étais morfondu !
J’y ai donné mon 5 piasses, prenant un air confondu
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Maman a dit : « Quatorze versements! » Sa détresse !
Papa crie : « Aussi, personne, ici d’ans, durant la Messe !
La radio jouait : « Il est né le d’vine n’enfant », ça fesse !
Dans mon lit, j’ai pleuré de honte, maudit frère Ernest !
…………..
J’ai rêvé à une fille, cheveux dorés, belle robe brodée
Derrière un rideau de cellophane était pas gênée !
Me souriait : « Pas ta faute, tit-Claude, si j’ai brûlé !
A me consolait. Pis j’ai entendu papa dans cave, enfermé
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Il a crié : « Sa mère ? Je vas lui en fabriquer une poupée
En me servant d’une catin « Made In China; une vraie fée
Papa, bon bricoleur, m’a vite calmé, m’a tout rassuré
Ouf ! Je reprendrai mon cinq, Marielle aura oublié
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J’ai voulu me rendormir, fuyant la réalité revêche
Cette idée du frère Ernest, ce maudi feu de la crèche !
Marché Jean Talon demain, j’aurai mes pétards à mèche
Trouvés dans mon bas de Noël, une orange, une pêche !
(un Joyeux Noël 2007 !)
Fin