MARC LABRÈCHE ET LE MÉPRIS !
21 janvier 2008 | 1-Tout, Poing-comme-net
Déception encore lors de cet « extase » télévisé ? Oui et pour la même raison qu’en regardant le « Bye-Bye 2007 » de RBO. Parlons mépris. Lequel ? Celui de croire que nous sommes tous incapables de rester attentif à un sketch qui dure au delà d’une minute. Dans ces deux cas, c’est le mode « clip ». Court, punché parfois, mais pas toujours. Résultat : notre Labrèche bien-aimé en une avalanche de propos -de fort bonnes idées souvent- mais illustrés à la va-vite.
Au suivant, au suivant ! Cette mode navrante des quickies est navrante. On ne retiens rien puisque tout n’est que flashes. Un fatras indigeste ! Les scripteurs doivent comprendre et accepter un fait : les gens ne sont pas des abrutis, le public de la télé humoriste sait apprécier un sketch disons de huit petites minutes. Allons : le public peut garder attention à davantage qu’un clip d’une minute. Oui, il y a mépris et, partant, démagogie.
Ce désolant préjugé sur les téléspectateurs fait que d’excellents sujets de caricature, faute d’une élaboration un peu consistante, tournent au carrousel d’images très vite oubliées. Il faut, le lendemain du show garroché, lire les articles concernant cette sorte de fricassée pour mieux apprécier leurs contenus. On avait tout oublié. Jadis, nous avions droit à des sketches (en ces sortes de revues d’actualités) bien mieux élaborés. Il en résultait un contentement autrement plus solide. Des morceaux d’anthologie télévisuelle le prouvent.
En une heure, à cause des pubs disons plutôt en 45 minutes, ces nouveaux et jeunes idéateurs et scripteurs peuvent très bien n’installer que cinq ou six sketches. Pas 25 ! Faisant cela dorénavant, le téléspectateur se sentirait moins envahi, débordé, bousculé, il gardera un bien meilleur souvenir, une bien meilleure appréciation du travail fourni. Le talent étonnant d’un Labrèche mérite cela. Les talents des RBO aussi. Le public québécois mérite ce traitement intelligent. Et aussi cette confiance.
Confiance des « produiseurs de farces » que le public est tout à fait apte à suivre un dialogue un peu consistant, un tableau structuré, une scène un peu travaillée. Me dira-t-on chez ces « vite-vite-pressé-pressé » qu’il est plus (trop ?) difficile d’élaborer ? C’est faux. Leur formidable imagination est palpable, leur intense créativité est très visible. Il n’y a donc qu’à rompre-un peu de courage- avec une mode néfaste, celle du fast-food abrutissant.
Déplorable mode actuelle qui fait aussi que tant d’émissions dites « d’infos culturelles » se fabriquent avec cette maudite mode du « clip », sauce imbuvable. Les intelligents commentateurs savent bien de quoi je parle, bousculés, ils sont frustrés sans cesse, le disent même parfois en ondes. La manière « vite-vite » fait qu’un bon livre, un excellent film, se réduisent à une mention pitchée et qui sera vite noyée dans le flot du « vite-vite ». C’est la plongée dans l’infertilité, la perte de temps. Hélas le gaspillage éhonté -au fond- d’une bonne volonté comme devenant « hors-propos », encombrante, sans cible utile. Ce déjà trop rare « temps d’antenne » pour la culture en devient futile et réduit à zéro résultat. Tant d’efforts pour soutenir la culture populaire, ou autre, se diluent ainsi en vains commentaires.
Changeons cela : soyez convaincus, producteurs, réalisateurs, que le public n’est pas que girouettes incapables de la moindre concentration. Cette conception de « l’imbécile » téléspectateur est de plus en plus humiliante. Rompez vite avec ces mauvaises manières et plaidez avec moi auprès de vos diffuseurs. Dire carrément que vous voulez respecter l’intelligence du monde qu’on dit « ordinaire ». Cassez ce vilain moule du « clip » fastidieux. Un peu de courage que diable ! Ne croyez surtout pas les complaisants -et intéressés- qui entourent les artistes.
Nous sommes bien plus nombreux que vous pensez à souhaiter le respect. Le brillant, talentueux Labrèche -comme RBO et tant d’autre humoristes- mérite mille fois que ses scripteurs se forcent les méninges, qu’ils fuient la maudite paresse du « vite-vite ». À la télé, personne ne veut de longues démonstrations ou de conférences soporifiques, non, il s’agit de concevoir des sketches un peu consistants et non plus se contenter -paresseux va !- d’une brève volée d’images de 50 secondes pour conter une situation hilarante qui mérite un temps convenable. Qui, le premier, va oser rompre avec cette mode niaise du « paquet en rafale » de clips fuyants ? A bon entendeur, tous mes saluts !
Merci pour les textes tres intéressant
Gérald Moisan ( un ancien de Philippe Aubert De Gaspé )
Ouff! Quel soulagement, j’ai aussi visionné l’émission et j’ai eu la même impression, je croyais que je devenais bien ‘aguisable’!!!!
Bonne journée à vous monsieur Jasmin.
Claude G.
Touché !
Monsieur Jasmin, vous mettez le doigt sur quelque chose d’important que nous avons trop tendance à oublier dans ce monde “flash” qui influence tant la télévision que l’éducation. À force de tout transformer en capsules, comme ces pansements adhésifs qu’on enlève rapidement pour que ça ne fasse pas trop mal, on ne retient rien. Pire, on devient intolérant aux longueurs. C’est platte, on zappe. Mais au bout du compte, qu’en reste-il ?
Merci pour cette belle réflexion.
Cette manie du vite-vite porte un nom. ” Cette propension à s’éparpiller, à s’engourdir ( s’abrutir) et à ne plus donner de sens à la vie … ” C’est le huitième péché capital : l’acédie ! On le définit ainsi dans un texte de René-Richard Cyr intitulé : Épilogue (in Les huit péchés capitaux chez Dramaturges Éditeurs). C’est “une perte de l’élan pour les choses spirituelles, d’où la recherche de divertissement …” C’est le principe de l’oignon, je tire gloriole rapidement de ce que je dis et je continue rapidement le strip-tease pour revivre la même sensation.
La maladie est ancrée en chacun des gestes que pose l’Homme : vite-vite ça ira mieux après: on te balance un deuil en deux trois jours, un mariage en six mois et une entrevue en 2 minutes! J’exagère mais je voulais faire vite car je dois aller m’éparpiller ailleurs!!
Robert Bouchard
Forestville en Côte-Nord