FANTASMER EN FAISANT LA PLANCHE ?
7 février 2008 | 1-Tout, LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES
Le vieil homme que je suis devenu vous le dis : pas d’âge pour fantasmer. Imaginez-moi à l’heure de l’apéro dans ce charmant hôtel spa, l’Excelsior. Imaginez ces couloirs clairs-obscurs où s’activent d’accortes dames en blanc sarrau. Le lieu pour réparer « les dégâts de l’âge » ou pour conserver sa bonne santé. Pour relaxer. Pour « la vie belle ».
Quand je m’ajuste le maillot de bain, hiver comme été, tout autour déambulent ces expertes vestales souriantes qui entrent ou sortent de locaux à-se-faire-bichonner. Offres de massages en tous genres, du haut du cou jusqu’au bout des orteils. Cela avec des crèmes parfumées, des plantes maritimes, des huiles ou des boues ! Mystère pour moi qui vient venu d’un mode où le bain public puait l’eau de javel. Où nous assourdissaient les cris des jeunes pataugeurs aux dents souvent cassées ou bien ces stridents coups de sifflet du gardien.
À l’Excelsior, j’y vais pour nager et je fantasme. Je me sens comme replongé dans un film de Federigo Fellini. Atmosphère paradisiaque. Jeunes gens, allez louer -comptoir marqué « classiques »- « Huit et demi », l’ouvrage visuel du génial italien. « Huit et demi » car c’était son huitième -et demi- film. Vous y verrez Marcello Mastroiani au milieu des jolies femmes déshabillées, jouant le chef de harem, le bellâtre cheik se laissant caresser en toute licence. Fellini, avec talent, montre « le mâle » en mal de femme-mère. Oh ! la mamma des Ritals ! Et le Québécois en vieil « enfant mal sevrés » ?
RÊVER EN ARABIE IMAGINAIRE
Au Excelsior de la route 117, je me surprend à rêver de tendresse tarifée, en d’invitantes installations, on dérive en des rêves -inavouables ?- proches des « mille et une nuits ». Vais-je conseiller à Jacques Allard, le proprio, d’y faire jouer des mélopées arabisantes ? Nager et les jolies plantes vertes autour de la piscine deviennent une palmeraie ! Mais, un peu Séraphin et étant du genre « d’anciens mâles qui résistent aux cajoleries », je me retiens de quêter de ces soins. La quoi…l’algologie ? J’y résiste. Je viens d’un temps où le vrai mâle dédaignait « les petits soins » et ne songeait qu’à s’endurcir. Je sais bien : des jeunes hommes se font épiler, se maquillent parfois, m’assure-t-on, avant d’aller danser en discothèque ! Ô mores, ô tempora !
Pour ceux de ma génération, ces mœurs paraissent bien bizarres. Au nom de quoi, le mâle n’aurait-il pas droit à autant d’embellissements et de « petits soins » que la femelle ? Notre conception d’un « vrai homme » a évolué ? Et on ne parle pas « travesti ou transexuel », non, on parle de vrais gars, tatoués souvent !
SCANDINAVIE À LA MODE
Je me contente de nager en zieutant derrière les parois vitrées ces gracieuses silhouettes vêtues de blanc aux mains éduquées, qu’on dit…thérapeutiques. Un bon jour, terrassant mes vieux préjugés masculinistes, je sauterai la clôture et offrirai mon corps vieilli à ces massages sophistiqués à noms scandinaves ? En attendant de vaincre une timidité, que certains qualifieraient de puritaine, je nage dans l’eau bleue et je fantasme : des naïades diplômées se glissent dans la jolie piscine se livrant sans vergogne à des attouchements autorisés. Me voilà donc comme Marcello dans « Huit et demi », un léger fouet à la main, j’ordonne à ces déesses caressantes, à ces fées des frottements scientifiques, de me rajeunir.
Alors, je ris. De moi. Chaque fois je me moque de ce pacha laurentien, sultan de pacotille, et je me réveille : je vois alors des vacanciers en robe serviette qui lisent sur les transats, d’autres qui remuent d’aise dans le bain à tourbillons. Un gras chauve -ventre en l’air- se commande un jus frais au bar du fond. Dehors, partout, des épiceas (épinettes) enneigés. Et pas un seul palmier ! J’aime l’eau et je suis bien en mes après-midi. Dubaï, c’est à combien de kilomètres de Sainte-Adèle ? À combien de kilomètres l’Afghanistan où un jeune beauceron vient de sauter dans la mort. À l’abri de tout, ici, je me contente de fantasmer, de voir cette jeune maman en bikini rose qui enseigne patiemment à sa mignonne fillette comment nager sur le dos. L’enfant m’observe en gigoteur frénétique et je vois dans son sourire ingénu qu’elle songe à son grand-père, j’ai droit à son beau sourire. Je flotte mieux, je chantonne du Trenet : La mer ? Bergère d’azur. Infini… » Le bonheur ordinaire, sorti de l’onirisme oriental du film fellinien.
Doux Jésus m. Jasmin, à vous lire on tombe presque dans un état second comme vous, continuez cette douce baignade Seigneur!!!!
Vive l’elxesior!!!
Bonne jounée!!