AMOURS, DÉLICES ET…SKI !
9 mars 2008 | 1-Tout, LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES, Souvenirs
Maria, Suzanne, Mado, Hélène… ou Pierre, Jean, Jacques, ça sonne comme une chanson de Guétary ! Chaque femme a son petit chapelet de prénoms secret comme chaque homme a le sien. La mémoire conserve des images d’amour jeunes, enfuies. Parfois douloureuses tant cela fait mal. Ou merveilleuses tant s’y mêlaient une naïve confiance, une espérance folle.
La femme exilée qui me lit sait de quoi je parle. Elle rêve à des noms de sa patrie perdue, avant d’émigrer ici. Un réfugié d’ici aussi. Qu’il nous soit venu d’Algérie ou du Liban, du Brésil ou de Saigon. Il songe lui aussi à ces prénoms de filles aimées. Dont les traits s’effacent mal. Cicatrices mal refermées. Plaies vives ou à jamais oubliées. Tout être humain traîne sa vie entière -vous verrez jeunes gens- des traces de ces amours impossibles ou interrompues. Cassures ? On ne sait même plus pourquoi. Il était trop pauvre? Elle était trop riche ? Il était marié. On en a connu des êtres fiers qui se consolaient hypocritement : « Bof, c’était un voyou ! » Ou : « C’était une guidoune ! » Au fond de sa mémoire que de regrets inavouables…ça saigne encore. Un peu.
J’avais 20 ans, je boulottais comme plongeur à l’hôtel du lieu. La jolie Maria, 16 ans, était forcée d’être la gardienne de ses frères et sœurs. Dans cette demeure délabrée, mal tenue, au coin de la rue, là où se dresse maintenant un mini parc. Elle perdait sa jeunesse : père amérindien irresponsable, alcoolique, mère accablée, serveuse dans un snack mal fréquenté. Maria avait les plus sourires de tout le village et, pas bégueule, me montra vite ses appâts. Elle affichait un tempérament, disons imprudent. Hélas, subitement un jour -déménagement ou fuite ?- un carton dans sa fenêtre : maison à louer ! Vrai, j’ai pleuré, cher Arthur Rimbaud.
Suzanne avait 17 ans, jolie brunette aux longs cheveux dorés, une très belle grande fille qui n’aimait rien tant que ce cheval prêté. Qu’elle montait sans cesse. Ô la belle cavalière dans nos collines ! Baisers, embrassades, caresses calculées derrière l’écurie de l’hôtel. Mais ma Suzanne avait peur de tout à part sa superbe monture, je m’énervais de tant de prudence, de tant de réserve. De pruderies. Les frustrations accumulées. Ne plus vouloir rester puceau, alors, sans cesse, mes défis et puis des audaces. Sa peur, raisonnable pour elle, devenait à mes yeux insultante. Oui, Rimbaud, on est fou à vingt ans. Au home désert de son veuf de papa, garagiste sur le boulevard, attaque du jeune désespéré. Ce sera la rupture brutale de ma peureuse, scandalisée. La fin. Plus tard, je la reverrai au bras d’un chanteur -crooner ultra populaire- qui avait trois fois son âge. Adieu belle cavalière !
Dès lors, moi aussi je n’allais pas dédaigner la différence d’âge, voici venue à mon pauvre atelier une bien fascinante visiteuse : Mado. « Vieille » beauté de… 29 ans ! Qui veut s’initier au modelage, au dessin, qui s’ennuie en son domaine de luxe. Mon coeur bat, quelle chance j’ai, moi le tout-nu, l’aspirant artiste du village. Mado la magnifique n’a pas froid aux yeux, rit sans cesse. Me repousse mollement sans grande conviction si j’ose vouloir toucher son cou gracieux, sa poitrine opulente, ses longues cuisses… Répétition de gestes très imprudents du sensuel énervé, entre deux argiles modelées. Mado la riche-mariée qui envie tant ma pauvre vie de bohème. Tempête de désir fou, de feu, pour la si jolie bourgeoise, la mal mariée à un entrepreneur de Mont Roland. Bien trop vieux pour elle.
J’ai déjà publié ailleurs le récit de son consentement, de son audace adultérin. Par un doux et bien beau crépuscule de début d’avril -rougeur sur le lac-, le sang aux tempes, Mado accepte ! Monte à l’échelle de mon petit grenier. Elle a enlevé sa jupe, a levé les bras, a secoué sa magnifique chevelure d’ébène. Excité, je lui retire son chandail de laine rouge et… Patatras ! Le vieux mari en colère au bas de l’échelle, ses cris, fin abrupte d’une étreinte amorcée. Fin aussi de ses cours de céramique. À jamais.
Plus tard, je l’apercevrai au Café des artistes, divorcée, re-mariée à un savant et fameux vulgarisateur à la télé débutante. Pour ma belle Hélène, ça ira vite. J’étais amoureux de nouveau. Elle avait le visage d’un ange… bien charnel. J’allais souvent, le midi, manger chez elle, à trois cent pieds de l’atelier. Là où, aujourd’hui, gîte le resto L’Esméralda. Sa mère tenait une salle à dîner succulente aux prix si modestes. La soupe bien chaude …si bonne, la fille élue… serveuse si jolie ! Non, rien à faire, cette demoiselle ravissante n’est pas pour un rêveur à la salopette toujours encrassée de glaise. Étroite surveillance de la mamma, puis départ en pension organisée. Pour l’artiste dépenaillé, il y aura l’efficace barrière du rang, des classes.
Doux Jésus monsieur Jasmin………………Que de confidences!!!
Ouff! bien déculpabilisant!
Merci monsieur Claude Jasmin pour les beaux textes.
je les parcour assiduement. Gérald Moisan
(un ancien de Philippe Aubert De Gaspé)
Bravo Monsieur Jasmin !
J’admire votre audace. Ce texte était tout simplement un petit bijou.
J’attends avec impatience votre prochain roman (style Asselin peut-être?) car j’avais adoré le crucifié du Sommet Bleu.
Monsieur Jasmin,
J’aimerais vous faire perdre à tout jamais votre peur des fautes d’orthographes!
Votre écriture est telle que nous passons facilement par dessus les petites coquilles.
Quand un texte est intéressant, c’est ce qui arrive.
Quand le texte est pauvre, alors là ces erreurs deviennent énormes.
Dans votre cas, aucun soucis à vous faire car vous savez à coup sûr susciter l’intérêt du lecteur.