AMOURS D’UN GOÉLAND ET D’UNE BERNACHE
14 juillet 2008 | 1-Tout, LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES
Vous avez vu au petit écran ces drôles de cigales rongeuses d’hêtres. Ouash ! Et, toujours à la télé, ces larves verdâtres écoeurantes dévoreuses de récoltes ? Re-ouash ! Ma Raymonde : « Tu vois ça ? Cesse un peu de louanger le monde des bibites, il y en a d’indignes. » Quoi, me rabattre sur le règne minéral ? Je collectionne de jolis galets, « mes chères pierres chanceuses », mais de là à en faire de grands éloges, cela qui ne remue jamais. Elles, les bipites bougent.
Matin de brume, ce jeudi au ciel mat et nos collines laurentiennes sont toutes enveloppées d’une très pâle ouate. Rideaux diaphanes, sorte d’entoilage, l’ouvrage d’un Christo. Midi s’amène et le paysage est vite dégagé de ses tentures romantiques. À l’eau canard ? Oui. De mon rivage, je tend l’oreille : Marc Labrèche ? Où se cache-t-il ? Je parle de son laideron favori, la célèbre grimaçante grenouille, Yolande.
CREVE-YEUX ET PERCE-OREILLES !
Parlons grenouilles : il y a des années, j’avais joué le goddam Monkton de 1755 en Acadie en organisant un « grand dérangement ». Avec des petits-fils à filets, des grenouilles quittaient « de force » le delta du lac à l’ouest pour installation obligatoire chez nous. J’avais lu que la gente batracienne dévorait mille moustiques à la minute. Chacun ! Une aubaine. Mange ma Yolande, mange.
Étendu sur le quai, j’écoute les cris prompts de deux -ou trois- grenouilleuses. Certains de leurs gutturaux borborygmes sonnent très creux, crapaud-buffle ? Au dessus de ma tête, vivant escadrille d’or et d’argent, des libellules. Alias demoizelles. Alias crêve-yeux aussi. Ce terme. Enfants apeurés, les apercevant, on se bouchait les yeux. Autre terme : « perce-oreilles », une autre bibitte mal aimée. Au milieu de mon petit pré, me retournant, je vois Valdombre-le-pelé jouant encore le fauve-de-vaudeville et de mes demoizelles métalliques filent vers lui. Yeux à crever ? Hon ! Soudain, spectacle curieux sur mon petit radeau; un couple d’un genre inusité. Voici une bernache (mâle sans doute) qui se dandine autour d’un goéland (une goélande ?). Oh, la parade ! Le canard fringant s’ébroue, fait de l’esbroufe, ouvre et referme sans cesse les ailes, va, revient, joue du cou et du bec. Il fait le beau quoi. La « goélande », elle, impassible sur le radeau, observe et, sans doute, s’étonne de voir un séducteur « pas de sa race ». Je jouis du spectacle, délaissant une biographie de ma très chère Colette. Oups ! Indifférence ou méfiance ? Macdo, l’oiseau blanc convoité s’envole avec superbe vers la plage municipale. C’est le cas de le dire, le bec à l’eau, fin seul sur l’eau, « le » bernache se calme le pompon. En voilà des mœurs !
DONALDA EST ENCEINTE ?
Je n’aime pas nos goélands, arrivés par ici avec l’établissement de tant de nouveaux restos rue du Chantecler. Ils salissent mon radeau, que de crottes à ramasser ! L’an dernier, j’avais mis un faux hibou comme repoussoir du dollarama adélois car on me recommandait la chose. Foutaise. Dès que posé, il s’amena davantage de goélands chieurs. Mon épouvantail de plastique gît, inutile, dans une haute branche de sapin. Pas loin de Mario, mon hénaurme girouette made in Val David, cadeau du fils. Mario, nous montre -à peu près- d’où vient le vent. Sous Mario, Valdombre, ventre à terre, redresse les oreilles, regard fixé sur l’armada de demoizelles.
Passage de nuages inattendus, ciel qui se couvre. Valdombre recule -ce vieux chat a une « renverse » ma foi- retraite et vise la balançoire du voisin Maurice, y grimpe. Un môme, un marmot, ce vieux félin pelé. J’écoute Yolande. Macdo revient pour observer son bizarre Roméo-à-plumes. Qui n’est plus là ! Il fait beau et bon, c’est le bel été. Voici notre marmotte sortant du dessous de la galerie et se fait aller la grasse bedaine. Donalda serait enceinte ? Ou trop gourmade ? Trottinant vers la haie très fournie de chèvrefeuilles, elle cherche son mari volage ? Bon, assez joué le fainéant sur grève, voici Maurice, armé de ses outils. J’ai un précieux voisin qui est aussi un bricoleur éméritus : « Alors mon Claude, ta cuvette défectueuse, c’est aujourd’hui qu’on la change, oui ? »
Adieu mes p’tites bêtes. Au travail. Le Maurice expert m’enverra chez Rona. Puis chez Théoret. Youpi, je me console de l’abandon de mes bibites car un homme, c’est bien connu, n’a pas de lieu mieux chéri qu’une quincaillerie ! « J’y cours, Maurice, j’y vole ! » Ne me suivez pas les crève-z-yeux !