fév 162009
 

Je filais à ma chère piscine de l’Excelsior, quand je le revis qui marchait sur la 117, énergique, bras ballants, nez en l’air. C’était bien lui. Un familier anonyme. Chaque fois que j’en croise un de ces costauds aux yeux clairs, il me semble le connaître. Je le sais par coeur et j’aime cette silhouette gossée rudement. Vous le croisez souvent, c’est « le type laurentien », visage sculpté à la hache, faciès buriné. Son visage façonné par le cruel ciseau des vents d’hiver qui sifflent en nos collines.
Homme sans âge précis, mâchoires carrées, cheveux salés et très poivrés, « des cuisse comme deux troncs d’arbre », pas vrai Raoul ? « L’habitant », reflet de nos anciens temps si durs par ici. Rien de l’agriculteur paisible des généreuses plaines maraîchères de « l’en bas de nos montagnes ». Mon buriné est nommé un jack of all trades, le villégiateur dira le jobber. Indispensable.
Félix-Antoine Savard, a parlé de lui, « Menaud maître-draveur »,musclé mais fragile, illusionné mais abandonné. Avant Vigneault qui l’a bien chanté, Félix Leclerc, qui lui ressemblait à La Tuque, a crié : « Ring-ring, Mac Pherson s’est noyé !» Un autre ? À Sainte-Agathe, le gars du menuisier, le Gaston, qui alla au sud se faire religieux et qui changea d’idée et s’acheta un harmonica, se lia aux images-en-mots pour devenir Gaston Miron ! Mis en bel album de chansons tout récemment. Fini la drave, restait… le « jack of… » Voyez mon survenant, « dieu des routes » qui dévore en riant rauque un beignet au Ultramar du Boulevard. Qui boit du café chaud, gars aux biceps d’acier, aux jambes arquées, au dos déjà courbé. Cou de taureau, cheveux de fer précocement. Cantonnier d’occasion, il peut tout conduire, fardier ou tracteur ; il pratique tous les métiers manuels, ce matin, la voix éraillée par tant de saisons dehors, tu l’entendras éclater de rires féroces. Il compense par un humour ravageur d’avoir été obligé d’ignorer les longues écoles, mais il est courageux et il accepte, bravades, des risques. Il en récolte, jeune, plein de rides au front, de plis sous ses yeux. L’homo laurentis aime fêter aussi, même un rien, une bagatelle. Il ira aussi pleurer aussi s’il le faut, au salon mortuaire, l’ami gringalet dégringolé dans la chute mortelle. Fatras de bières trop vite vidées ? Il a oublié l’heure, alors bourré de houblon, il vomit sa colère et l’injustice derrière le mur d’une buvette. Demain, mon gaillard sculpté se réinstallera à un autre emploi précaire. Qu’il s’est négocié pour quatre sous. Faut pas que son fils devienne un… jack of trades. Salut à tous mes Jean-Guy Groulx. Et merci !

  2 Réponses to “PORTRAIT DE L’HOMO LAURENTIS ?”

  1. On en avait un, ici, où j’habite… Sam, qu’il s’appellait. Un jour, deux vieilles dames lui demandent de régler un petit problème : une branche d’un arbre cognait sur le toit de leur chalet les jours de grand vent.
    En quelques minutes et quelques coups de scie, Sam a résolu le problème : il a entaillé une partie du toit et maintenant la branche peut ballotter au vent tant qu’elle veut, en silence !

  2. ….le cruel ciseau des vents raides autour de nos collines….CJ

    Quelle belle image M. Jasmin. Merci.

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