oct 122012
 

 

 

Ma jeune voisine (au somptueux chat couleur de pourpres) Blondinette, devenue Noirette, m’invite —vite— à admirer un haut sur pattes héron qui batifolait sur son quai ! Ô la beauté de cet oiseau géant !

Puis mon tour du lac quotidien et découvrir ( rivage en terre humide étatisée) une marmotte… morte ! Plus loin, le cadavre d’un petit castor ! Encore ? Oui, proche du (bon) resto So Thaï, un joli chat noir tacheté de blanc, mort lui aussi ! Bigre, sombres présages ? Oh oui, on découvre cette diplômée de « L’École de police (à Nicolet), enragée démontée, criant sa haine viscérale imbécile des « artistes » ! Incroyable femme « armée » que cette grosse musclée, Stéphanie Bureau. Bastonnant, menottant, étouffant et… blasphémant comme un charretier !

Que vaut donc cette école publique ? Que pense ce genre policier de nos Noirs ou de nos itinérants. Aïe ! Pis que pendre ? J’ai eu affaire, il y a peu, à une jeune patrouilleure de la S.Q. de Sainte Adèle. Une excitée du même genre que la butch Trudeau, vociférante pour avoir oublié de stopper au coin de ma rue Morin. Toute démontée, comme si j’exhibais une bombe, elle criait, répétant à tue-tête :« Ne sortez pas de votre auto ». J’étais chez moi dans mon entrée ! Une diplômée de L’École de Nicole. Son chef alertée par moi, m’écrivit… qu’il « la rencontrerais ». Et puis silence.

Oui, que vaut cette école de Nicolet payée par notre argent public ? Rien, monsieur le directeur Parent aux polis excuses mais seulement après la vidéo à la télé. Diplômes accordés donc à ces prévisibles tueurs et tueuses en uniforme ! Pas fou le peuple d’avoir peur de la police et davantage que des « ritals » maffieux. Une autre école damnée ? Oui si on écoute, chez Dame Charbonneau, juge, qui « bavasse », un certain Z., ex-corrupteur (il l’avoue) qui raconte tous ces ingénieurs —pas des truands hein ?— complètement corrompus. On se dit : mais ces super instruits ont pourtant fréquenté la prestigieuse école universitaire dite « Polytechnique ». Cours difficiles pour des cerveaux aiguisés. Là aussi c’est « zéro » question d’éthique ? Polytechnique enseigne-t-elle la pourriture morale ? Aucun code moral, mais aucun, n’est donc transmis aux élèves, futurs ingénieurs ? Deux tristes lieux : Nicolet et l’U de M. Navrant et très très inquiétant. Les cognés, les frappés, les victimes de tous ces psychosés armés, n’osent porter plainte : la « parole de la police » est sacrée, privilégiée. On le sait trop. Et l’avocat, on le sait bien, fonctionne à haut taux avec leurs minuteries réglés. Surtout, il y aura délais, des mois, parfois des années souvent. « Omertà » prudent alors des citoyens bafoués par « law and order ». Ces fripouilles à la Trudeau frapperont et cogneront de plus belle.

Nous tous, placides habitants de nos jolies collines, méfiance ! Une balle perdue peut vous tuer. À Sainte Marguerite, autre terre à chics résidences, c’est du baseball : « une balle, deux balles…un homme de mort ». Qui ? Encore un « rital ! », Vincente Pietrantonio, déjà condamné comme usurier, joli métier ! Écoeurés ? Voici un agent de la S.Q, incarcéré la semaine dernière pour pornographie juvénile. François Blouin, 47 ans; ô Internet, si utile outil, qui peut servir de bordel à des désaxés en uniformes ! « Dans quel trou m’avez-vous mis, mon Dieu ? », écrivait jadis Réjean Ducharme ! Mais il y a aussi la beauté sang et or des arbres qui, hélas, va s’éteindre bientôt. On gèle comme en janvier ces temps-ci ! La vie est belle ? Oui. Las de marcher, j’ai retrouvé mon palétuvier tout feuillu au dessus de la mini mangrove qu’est la piscine du spa Excelsior; pour ma patte folle opérée rien de mieux que l’hydrothérapie.

 

 

 

 

 

 

 

avr 302010
 

Une envie subite : visiter des animaux. Où ? En ville ? Oui. Mais si, rue De Coubertin, métro Pie IX, tu voyages en une centaine de minutes (ou plus)  de la forêt humide de l’Amazonie jusqu’aux glaciers de l’Antarctique ! Oui, oui. C’est une promenade fascinante si, comme ma Raymonde et moi, vous aimez les films docus de bêtes à la télé. À l’arrivée, accablante chaleur moite et vues imprenables sur de grouillants  paresseux, singes à poils fauves orangés, voici des cascades d’eau, voilà des troncs d’arbres morts, toute une végétation touffue installée dans un ex-vélodrome. Au départ, climat tropical et, moins de deux heure plus tard, tu fais tes adieux à d’enjoués manchots glisseurs-sur-neige, tu vins de surprendre deux amoureux macareux aux trépignements durables en une fringale génitale  !

Ce musée, collé près du stade olympique, est une fort agréable promenade naturaliste. Faut voir la joie des écoliers admirant certains oiseaux exotiques sortis de leur territoire, à portée de la main et de l’appareil-photo. Joie ! Faut parfois avoir le regard perspicace et attentif : ici, un lynx se cachait dans la fourche d’un arbre, là, un caïman se dissimulait dans les rochers de béton peinturlurés. Notre étonnement d’apercevoir un porc-épic (hérisson ?) dormant paisiblement juché au faite d’un arbre bien maigre !

Certains recoins sont de vastes aquariums et dans l’un on y a vu la sale gueule d’un laid piranha. Brrr… Des sortes de senties invitent à guetter …la vie. Le bonheur ! Le vif plaisir bien visible sur tous les visages des gens, ce midi-là, un beau jeudi ensoleillé. Soudain, on détecte un vison bien noir qui dort dans une vitrine discrète. Soudain,  un jeune requin surgit d’entre ses voisins nageurs. Cris d’un enfant ! Sortant d’on ne sait jamais trop ou, une raie bondissante, avec son bec boudeur et son bizarre regard comme muni de lunettes à monture blanche ! Avançons lentement, aux aguets, des yeux tout le tour de la tête quoi ! Ce Biodôme nous mène d’étonnement grave en surprise inattendue. Oui, le bonheur.

Soudain, un bassin, des étoiles de mer, des petites bêtes variées dans de vastes lits de galets polis,  l’étalage d’une abondance maritime étonnante. Levons les yeux, marchons, traversons un petit pont, un vaste ciel peint, illusion totale et,  au dessus de nos têtes, voir voler des mouettes, des goélands. Leurs cris vivants sous ces serres géantes, oh ! Entre des rochers mal noyés, des canards, bruns, blancs, noirs,  paressent, indifférents. Allez- faire un tour. C’est un fameux régal visuel. Un bon remède. Une excursion si facile, pas de bagages à faire, aucun avion à prendre, en pleine ville, voici des hérons, des truites, des serpents (un boa ?), voici la région tempéré avec nos arbres des Laurentides…

…et, revenu au village, voici mon Jambe-de-bois-écureuil qui me nargue sur le toit du voisin. Puis, ma grasse Donald fuyant dans la cédraie voisine ! Entre deux paquets de bouleaux, n’est-ce pas moufette-Laberge ? Puis, la nuit venue, bruits à ma fenêtre, je vois au clair de lune le Arsène Lupin, son loup noir sur les yeux. Le chapardeur de déchets  grimpe sur le bac à vidanges. Le biodôme se poursuivait ?

jan 222010
 

Oh, vivre soudain comme dans un décor d’une luminosité si particulière ! Nos jolies collines devenues d’un aspect métallique. Une nature en scintillements ! Oh, la beauté rare ce mercredi-là ! Il y a certaines années où cet effet éblouissant ne se produit pas une seule fois. Ça s’est donc reproduit mercredi. Vous vous en souvenez ? Nous roulions vers la métropole et, surprise, en sortant de Sainte Adèle vers la station Esso et l’autoroute 15, on a vu des bêtes excitées,  comme folichonnes qui escaladaient en zigzaguant nos falaises boisés. Pourquoi ? Pour voir de plus haut la beauté ? Les marmottes, ratons laveurs et autres bêtes apprécient-elles de telles visions ? On ne sait pas.

Ce jour-là c’était mieux —cette argenterie totale de nos montagnes— que les célèbres décors numérisés du film Avatar (que j’ai admiré).  Dans le pare-brise de ma Jetta, c’était des photographies inouïes et mobiles), un diaporama unique, des bousculades de diapositives d’art. On aurait dit un cinéma arctique inédit, un film façonné comme ces vieilles photos antiques —ces daguerréotypes ?— clichés à base de sels scintillants. Ou quoi donc ? Quels paysages étonnants et nous n’en revenions pas, Raymonde et moi.  Vision fugaces, non, cette féerie a duré tant qu’il y a eu des collines garnies d’arbres glacés.

On songeait au fameux grand artiste, Dûrer, à d’anciens procédés, de ces anciennes gravures avec leur jeu des gris variant à l’infini. Sorte de camaïeux époustouflant ce mercredi. Spectacle de mini glaçons… par millions. Oh !

« Ma vitre est un jardin de givre », chantait (avant son accident) mon petit camarade de Villeray, un Claude Léveillée ému à son piano, sur un poème d’Émile Nelligan. Ce poème s’agrandissait ce mercredi et c’est tout mon pays laurentidien qui se métamorphosait en un immense jardin de givre. Oui Vigneault, l’hiver montrait son plus beau jupon ! De dentelles fines, brillantes sous un modeste soleil taquin qui jouait au fou —allume, éteint— pour nous faire sourire, comme pour faire apprécier ce décor argenté. Si nous craignons le verglas, pour de bonnes raisons, cette sorte de givre, elle, est une merveille.

Retour chez soi et c’est à la radio, à la télé, sans cesse, ce sinistre décor sans féerie aucune, où des Haïtiens se débattent pour la survie. On a mal pour ces désespérés et j’ai soudain éclaté en sanglots à un moment donné. Ces regards « perdus » d’enfants « perdus » —on sait mon amour des enfants— me fendaient le coeur. Devenu vieux, vois verrez jeunes gens, on pleure bien pus souvent. Malgré tout, l’enchantement de nos montagnes comme translucides, oui, oui, translucides, persistera.

C’est justement à cause de tels moments à belles lumières insolites, que l’on retarde une décision…car une partie de notre entourage (parents, amis) nous dit : « L’âge augmentant et  la santé déclinante, un jour, vous devrez vous en aller. Partir pour la grande ville où il y a des meilleurs soins hospitaliers, les spécialistes, etc. » Chaque fois, on a mal, nos coeurs se serrent. Pourquoi ? Bien, par exemple, pour ces jours bénis aux magnifiques jardins-de-givre.

L’attachement à une région se forge de tant de choses, le printemps reviendra, avec le bourgeonnement partout, l’été reviendra avec ses fleurs autour de nous et un rouge cardinal va pépier, une tourterelle va poser, le grand héron gris nous revisitera, un colibri vibrionnera…

jan 212009
 

       En nos basses laurentides, il y a Oka, région à laquelle je suis attaché. On vient de lire sur l’exil des trappistes d’Oka, des moines Cisterciens. On y allait parfois, mon père surtout, grand amateur de leur fameux fromage : « Pouah, achète pas ça, papa, ça pue tant ! » Cette région, Frenière, Belle-rivière, Saint-Augustin, Saint-Benoit et Saint-Joseph, c’était à mes yeux d’adolescent en bécane l’étalage champêtre tout autour des jolies collines. Modestes villages où j’usais les pneus de ma bicyclette CCM.

      À Saint-Scholastique en 1965,  Pierre Patry tourna des scènes pour « La Corde au cou », film en noir et blanc tiré de mon premier roman. Qui repasse tard à TVA parfois. Pour « La petite patrie », qui repasse à 15 h et demi tous les après-midi à Radio-Canada, on a tourné à Oka. Pour La Trappe,  la belle vieille église, le traversier qui conduit à Como de l’autre bord du lac. Aussi pour la fameuse pinède. Étendus parmi les cocottes de pins, ma mère (feu Gisèle Schmidt) et mon père (vivant Jacques Galipeau) seront vus en pique-nique sous cette cathédrale naturaliste et nous les enfants, chevauchant les vieilles picouilles à $1.00 l’heure. Cela avant que la pègre amérindienne -de Saint-Régis-sur-Warriors- fasse son grabuge, cocufiant un juge-Alan-Gold, un mollusque-Bob-Boubou et le Chiachia loueur de quais aux Rouges révoltés.   

 

VACHES EN PRAIRIES !

       Oka : allez visiter les étonnantes chapelles d’un Calvaire sulpicien, là-haut, vous y verrez tout le lac des Deux Montagnes. On allait y pique-niquer avant ce formidable Parc Sauvé, qui fut longtemps un lieu-à-curés-égoïstes, interdit. Garnements de Pointe-Calumet, nous avions une copie de la clé du cadenas sulpicien ! À Oka, il y avait un petit hôtel dit de luxe. Belle bâtisse style Modern art, expropriée par Québec pour cause de fascisme. Proprio, ce nazi « hitlérien », baron Empain !« Le Baronnet » fut mon premier job d’étudiant et le waiter y fit ses premières aquarelles. D’énormes vaches en prairies fleuries. Gratien Fridolin Gélinas, célèbre voisin, y venait comme feu Jean Sarrazin, radioman fameux. Il avait acheté un manoir sulpicien en face de l’entrée du Parc Sauvé. Qui allait ouvrir, ce qui le fit fuir. Vers 1948 un projet immobilier pharaonique naquit, mi-clérical, mi-capitaliste, mais, manque de finances, il avorta.

 

HÉRON, TORTUE ET RAINETTES !

       Grâce aux humbles (pas sulpiciens eux !) trappistes et à des agronomes belges, toute la région fut fertilisée, enseignée et, on voit encore de magnifiques vergers -à pommes; cela à perte de vue. Et puis il y eut entre ces jolies collines basseslaurentiennes, le très réputé « Collège des agronomes ».   

       Le poète populaire géant Félix Leclerc a raconté sa traversée-du-lac fabuleuse, en traîneau sur la glace, pour aller chanter à ce collège. Félix vivait juste en face d’Oka, aux Chenaux à Vaudreuil. Si vous allez marcher à l’extrême-est du Parc Sauvé -qui est la limite-ouest de Pointe-Calumet- vous découvrirez un vaste marais, nommée Grande Baie. En saison, on y chassait le canard, et on y voit des hérons blancs. Nous y allions pêcher l’achigan, le doré et de si beaux brochets ! On y voyait parfois une immense paresseuse tortue, des serpents et des milliers de rainettes bien vertes.

      Pas loin du rivage, après la guerre (1939-1945) on aimait aller y observer les bateaux-pompes, dragueurs du cimentier Miron.  Au milieu du lac, un chenal balisé fut creusé ( il y est encore) pour guider toutes ces barges. Oka noir ? Oui, dans un récent récit, l’acteur-écrivain doué, Robert Lalonde, né à Oka et pensionnaire à Rigaud dans la montagne d’en face, raconte ce papa dénaturé, un pédophile incestueux. Histoire accablante d’un garçonnet abusé qui m’a brisé le cœur. Oka noir

      Je suis donc un peu d’Oka et en garde bons souvenirs. Calvaire actuel ? Presqu’oublié, à Saint-Benoit, mon ex-petit-voisin de La petite patrie, Claude Léveillée souffre en silence et, plus à l’ouest, Vigneault le génie placide organise ses archives et sa vie. Un poète-dramaturge Jean-Robert Rémillard -habitant pour rire- y tenta « son » élevage. Enfin, en face de La Trappe -à louer ? à vendre ?- Francine Allard, ma jeune camarade, vient de publier sa saga, « La couturière » (chez Trois-Pistoles, éditeur). Ici, au village ? Mes suisses et écureuils semblent crier comme à Paris en mai ’68 :  « Sous la neige, les graines ! » traçant leurs blanches arabesques. Lire : « Allah ou akbar? »

déc 122008
 

Suivez-moi, c’est un dimanche de décembre, avec du froid donc, engraisser d’abor le parking-voleur et j’arrive sur Saint-Laurent.

Cet antique chemin radoteur d’enseignes aux vitrines vulgaires, gargotes pour étudiants, pour les cassés d’un roman de Renaud. « Salut à toi dame bêtise », chantait l’autre, « toi dont le règne est infini ! » Les bistrottiers de ce gris dimanche rôdent d’un comptoir l’autre, comme mon Céline-le-fuyard « d’un château, l’autre ». Plein de bourlingueurs façon Blaise -l’illustre manchot- Cendrars. Ce dimanche récent donc, moi l’échappé adélois, je zieute les promeneurs hagards reluquant des affiches.

Les voyez-vous, regardez bien, certains loustics descendent entendre de la poésie lue, où, dans la cave chez Gallimard. Au portique, un Bozo -ou Ti-Coune ?- quête borborygmant des « Sales-culs-ronds-de-bourgeois ! » Héliotropes frustrés fuyons le bitume d’un brun mat, ce désensoleillement. Refuge à la cave en ce dimanche dos-de-rat, descendre au sous-bassement gallimardien pour… de la lumière, entendre les voix des fous et des folles, leurs flots de mots en images. Merci et salut Martine-belle-voix, les autres déclamateurs. Mots de musiques. J’écoutais ces narrateurs de l’inénarrable, mon bonheur. La logique sur le cul, souffrez les concierges du raisonnable, les gardiens des banales frilosités.

J’étais donc assis en cave librairienne, rue Saint-Laurent, pour aussi entendre un rejeton mien, le David qui publie à l’Hexagone. Il a bien fait. J’étais fier. Mon petit-fils agrandi secouait L’Éléphant -son titre- par la trompe, par les grandes oreilles, par les défenses d’un ivoire interdit de commerce.

Le beau défilé hexagonal, jeunes et vieux, filles et garçons.

Danielle Fournier, marraine éditrice pour Ville Marie littérature, ordonnait sa circulation, sans sifflet, sans brassard, épatée la première. Soudain, vont m’apparaître deux habitants rares.

Est-ce que « Le défaut des ruines… » ( Roland  Giguère) reste l’oubli ? Mais je n’avais pas oublié ces fantômes de ma jeunesse, sentinelles ridées comme moi, grimpées aux barricades des mots. Yves et Paul, navigateurs, lisant leur poésie quai d’espoirs. Jadis, au port, au bout de la main, se balançaient côte à côte, le bateau ivre et le vaisseau d’or. Je revoyais, après un demi-siècle, Préfontaine et Chamberland, deux avironneurs increvables, restés Orpheus sur le fleuve Achéron.

Fin des litanies laïques, escalier, nous retrouver à l’étage pour le verre de rouge. Longtemps jacasseur aux micros radiocanadiens, Yves « pré-fontaine » signait en 1959 le tout premier appel pour un vital rassemblement pour l’Indépendance à Shawbridge en Laurentides. Serrage de nos vieilles pinces et je songeais à Gilles Constantineau, poète disparu, camarade du Grasset. Ô capitaine, que de rêveurs jadis d’Outremont à Hochelaga (André Major) ou Villeray (Pierre Perrault), avaleurs d’élixirs bon marché chez Vito sur Côte des Neiges. Pleure François Villon, il a tant vanté devant nos portes.

Qui, dans cave, lisait aussi à voix bien posée ? Cet afficheur-hurleur, Paul Chamberland, connu en 1965 au sombre logis du lumineux Maheu, tué, à Outremont-sur-tracks, là où se fondait  Parti Pris, revue gauchiste militante.

De vos rangs clairsemés, dur devoir de durer (merci Paul Éluard) témoignez tous en faveur de la folie scripturaire, appuyons ceux qui se fichent bien du succès populaire. Isolés  batailleurs en verbe insolite, solidaires d’univers inédits. Avec Yves et Paul, causons de notre passé bohémien, Félix, avec le chapeau bas à la main. Avons juré et cru qu’une jeunesse va continuer, que la poésie québécoise ne va pas mourir. J’en lis chaque fois que je fais démarrer mon moteur à proses. Jeune David frondeur, tous les autres, continuez vos tricots de mots hors commerce, votre dentelle inouïe, traçante d’infini, piège des hasards crus, des chaos surprenants. Bizarres physiciens, prêtres sans théologie vérifiable, sismographes de fragiles intuitions, nous vous lirons. Écrivez pour les aveugles du jour, pour les sourds et les paralysés du méchant destin. Les handicapés des mauvais sorts. Nous redescendrons aux catacombes des libraires, chez Olivieri, chez Monet rue Salaberry; rue Saint-Laurent en 1900, Émile Nelligan criait au dessinateur Gill sa hantise de la folie, sur la vieille main, devant le marché hongrois, les foutoirs Juifs. Allez aux caveaux, braves orphées, sous l’hiver blanc, dimanches clairs ou sombres, on écoute.

sept 272008
 

     « Pis, comment vont toutes vos bestioles ? », me lance rigolarde une passante chez IGA. Combien de lecteurs (trices) se questionnent là-dessus, pensai-je. V’là des nouvelles : je ne vois plus nager mes rats sous notre quai. En voyage temporaire ou exilés à jamais ? Mais on m’a jasé de rats musqués se démenant au petit marais deltaïque que la Ville s’est gardé à la charge du lac. Voisin Maurice dit que des castors furent déplacés qui obstruaient la décharge du lac Rond proche de la kioute chapelle, cette mitaine pour des mariages à p’tits Simard ou des vieilles Miss-Richard.

      L’autre après-midi, au bord de l’eau, passage furtif et bruyant de l’oiseau maigre et immense, le grand héron, le héron bleu ? Mon ignorance. Une image, je ne sais pourquoi, qui m’intimide chaque fois. J’ai aperçu, une première cette saison, mon vieux tigre,  Valdombre. Il passait. Si lent. Avec ses grands airs de fauve en chasse, le ridicule sympa.

      L’ACUPUNCTURE DU PORC-ÉPIC  

      Ma belle Carole nous apprend ceci : le chic et si noir Caniche Royal de son Paul est allé s’épivarder nuitamment sur le mont DePassillié voisin. Funeste rencontre d’une fille piquante et rampante et crouncht !, le museau vite couvert d’aguilles ! Celles de Miss Porc-épic ! Il rentra penaud et miauleur. Aïoyoille ! Ce mouton de luxe à la pelote de couturière  fut vite conduit chez le vétérinaire pour une séance de… dé-s-acupuncture. Sortie des épingles ! 

         Quoi encore ? Il y a peu, au salon, fortes odeurs de notre discrète moufette du dessous-de-balcon d’en avant. Pouah ! Il y aurait eu bagarre ? Son pestilentiel parfum aux effluves maudites montèrent vers nous du dessous de l’escalier. Oui, là où pensionnent notre couple de marmottes, Donalda et Alexis. Combat vespéral et perdu par qui ?  Entrant par la fenêtre dans le salon, ce jus-de-marie-laberge empoisonna le visionnement d’un excitant « 24 chrono » toujours si énervant.

       Encore ? Ce vieux grand chien caramel chez Jodoin développe une façon d’aboyer -à tous vents- qui s’apparente à du…feulement !  Y é bin vieux ! Une métamorphose vocale d’avant… la mort ? Sais pas. Et puis quoi ? De ces récents jours s ensoleillés, lecture sur le radeau avec, soudain, l’arrivée d’un  trio de canards, colvert ou chipeau ? Souchet ou Sarcelles ? Mon ignorance. Mon livre aux genoux, j’observe, les voilà sans cesse, la tête dans l’eau et le derrière en l’air, qui picosssent, finissent par se lasser, s’éloignent -le petit air snob du canard, vous savez- reviennent. Toujours  exactement au même endroit… leur manège. À leur énième départ, j’empoigne mon vieux râteau de fer et vais inspecter ce lieu privilégié. Rien. Que des algues. Ni bleues, ni rouges, b’en vertes. Mystère ! Mais il y a par là le bout d’un tuyau d’égout pluvial. Quoi ? Canards rats d’égout ? Serait-ce le motif d’une mangeaille canardienne ?

 

UN HÉRON ME HANTE !

           Plus tard, un certain matin de lumière, on pédalait vers le bistro de la Mexicaine. Voici encore un trio de canards au sud du lac Raymond. Colvert ? chipeau ? En tous cas la beauté calmante du lent, calme et auguste déplacement de ces palmipèdes. Ils font dans l’eau des traces à trois et je lis, très clairement, le sigle archiconnu de Volkswagon. Un V et un W enlacés !

      Ce même beau matin, à l’oeuf chez Plein Air, l’hôtesse nous répond en riant : « Non, je ne m’habitue pas à l’hiver et il va revenir. Je conserve une nostalgie du Mexique et le besoin de revoir mes parents moi qui suis parti de Mexico, il y a longtemps, étant à leurs yeux « la bien vilaine jeune marxiste révoltée ». On rigole. Raymonde lui dit : « Moi, née ici, je ne m’habitue pas davantage à la longueur de nos hivers. »

       Au loin, « mon » héron survole le parc du village. Il me suit ? Il me hante ! Il me cherche ? Avant-hier, je marche et, coup aux yeux,magie, la beauté de ces vignes toutes rougies collées au mur du resto Luau ! Puis, ce bouquet sang et or collé au Café de la rue Morin ! Puis… j’ai examiné des corneilles posés au sol en sortant de l’École Hôtelière : ce noir de suie totale, leurs galbes parfaits, ce port altier, oui, de bien jolies sculptures. Du Harp. Mais Raymonde, à l’oreille si fine, les hait tellement qu’elle m’interdit de leur accorder une seule ligne. Je me retiens donc mais…

         Enfin vous dire que je suis comme en manque de bêtes. Je m’imagine, la nuit, canne à la man, me baladant librement : verrais-je fourmiller plein de petites bêtes. Au rivage du lac ce que je voudrais tant voir : un vison amphibie, une belette, une marte… Rêvons pendant que nos parulines s’en vont au Venezuela, que nos goglus filent vers l’Argentine. Ohé, la belle mexicaine de Val David, l’hiver va revenir.

jan 282008
 
Nouvelle série -Les belles histoires laurentiennes qui illustrent la « ma vie de par ici » et qui seront publiées dans le journal La Vallée.

(à monsieur Jean de Lafontaine)

L’hiver, mon gros chat-tigre ne vient plus guère roder chez moi. J’écris « mon » chat mais c’est une bête qui ne m’appartient pas, sauvageon félin qui surgit en jouant le fauve-à-la-chasse. Il n’a rien du « pet » aimable que l’on cajole. Je le sens misanthrope. Si je l’appelle, « minou, minou… », aucune réaction ! Mon chat symbolise d’évidence l’indépendance, la fierté des chats. De ma petite grève du lac, ou de mon haut balcon, je le vois presque chaque jour qui s’amène avec une auguste lenteur. S’il m’aperçoit, il ralentit ses pas calculés d’un carnassier à l’affût. Il hésite puis continue sa traque mystérieuse. Il lui arrive d’émettre quelques grognements alors je l’ai donc baptisé « Valdombre », en mémoire du farouche pamphlétaire, C.-H. Grignon, mon ex-voisin.

Valdombre se tapit dans mes haies, guette l’oiseau mais s’en retourne bredouille le plus souvent. Un jour je le verrai pourtant avec un mulot gigotant dans la gueule. Un autre jour, voilà mon Valdombre grimpé dans mon vieux saule. Pensez-vous qu’il appelait « au secours », non, juché à un carrefour de grosses branches, tête en l’air, il reniflait un joli merle, qu’on dit rouge de gorge, occupé à sortir quelque larve friande d’une écorce. Ayant voulu l’aider à redescendre de son perchoir, pour la première fois, je l’avais mieux vu, ouash !, pelage tigré tout déchiqueté, la queue mal en point, les oreilles écharognées, un œil plutôt amoché.

LES CHATS DE RUELLE !

Je découvrais un de ces chats-marcoux du temps de ma « petite patrie » et je me suis souvenu de nos cruelles « chasses aux chats » à coups de manches-de-moppes.

Ratissage, battues soutenues par nos parents : « Chassez-les, faut nettoyer la ruelle de ces « chats puants sans colliers ! » Remords, je souhaitais maintenant soutenir mon Valdombre-sur-saule, mal pris. Voyant mon bras tendu, Valdombre au pelage magané fit un saut étonnant, dédaignant superbement ce Saint-François d’occasion. Revenu sur le plancher des vaches, mon vieux poilu traversa le terrain des Boissonneau puis celui des Ouellet pour disparaître dans les herbages de ma lointaine voisine, Nicole Savard. Ira-t-il plus loin ? Jusque chez Jodoin, dépassant le domaine des Laniel, aboutissant aux condos-Villa Major ? Bête libertaire au vaste territoire.

Ses longs guets chez moi se déroulent le plus souvent en fins d’après-midi quand le soleil se dérobe derrière le Mont Loup-Garou. Une fois je le vois de très bon matin, dos courbé, toujours prudent, reins arqués, la patte chercheuse, le museau fouineur. Une proie ? Derrière un bosquet de jeunes sapins, soudain, paf ! Un saut griffu, éclatent des lueurs bleues et blanches parmi des ailes affolées ! Un geai bleu agonisa. Sachant ce bel oiseau prédateur des nids des autres, je m’en console.

D’OÙ SORT-IL , OÙ VIT-IL ?

Le saurai-je une bonne fois ? Valdombre est mon « sans-abri », vieux fugueur, mon délinquant. Valdombre est ce qui reste de « sauvage » dans notre nature peignée, arrosée, trop entretenue, il va de pair avec nos rats musqués d’un muret pierreux voisin, avec aussi ce grand héron gris, ou mes quelques canards « épisodiques ». Ou encore avec cet orignal qui nous rend visite certaines aubes automnales, venu s’abreuver au Lac Rond. Noble faux-tigre, indépendant raminagrobis, je l’imagine descendant mythique du chat « vénéré » en Egypte antique !

Viendra pourtant, fin de cet automne, une révélation. Que vois-je en un certain crépuscule ? Valdombre, face à face avec un gras siffleux, notre familière dodue marmotte, qu’on a surnommée Donalda. Qui a ses appartement souterrains chez mon voisin. Je fige ! Verrais-je un funeste combat ? Non, rien, Valdombre se frotte le museau au museau de Donalda ! Et puis, pfitt !, je vois, ébahi, le couple enjoué, qui disparaît dans le terrier de la marmotte ! Fera-t-il une sortie barométrique au printemps, Valdombre hiberne-t-il tout l’hiver ?

déc 052006
 

Tous, nous regardons les actualités sans y être vraiment impliqués le plus souvent, moi comme les autres. Des soupirs, de l’ennui, de l’exaspération aussi, et puis on va au dodo ?

Or, un lundi soir récent —méchante surprise— me voilà concerné. Et déconcerté. Il est là sur le petit écran, au bord d’un avion qui va partir. J’entend la déchirante chanson finale de Hair quand ca criait : « Claude ! » Il a son bagage, il part pour l’Afghanistan, c’est bien lui, mais oui, c’est Claude !

« Un simple soldat », cher Marcel Dubé. De Val Cartier. Harper en décidait : fini le jeu du Casque bleu, du pacifique mainteneur de paix. La vraie guerre ! Notre Claude à nous, y va. Reviendra-t-il dans un coffre de bois ?

Le cher neveu de « ma blonde » laisse une jeune épousée avec un enfant encore au berceau. J’ai connu un petit garçon blond qui aimait son Labrador, aimait voguer sur un Sun Fish loué au Chantecler sur notre Lac Rond. Aimait avaler en riant une rousse à la terrasse du carrefour adèlois, chez Dino’s, servie par la chère Denise. Studieux aussi, mon Claude, il décrochait un diplôme des HÉC, avait un peu de mal à se faire embaucher, se décida à aller jouer le comptable dans…l’armée du Canada. C’était avant le Harper-va-t-en-guerre !

Peut-on imaginer la mère aux abois, Colette ? Le papa peu sentimental, Pierre, prof de science, qui craque au téléphone quand ma blonde, sa sœur, veut le réconforter ce lundi soir. Hélas, même maudit soir, à RDI, excellent utile documentaire mais très énervant sur… l’Afghanistan et ces Talibans plus fanatisés que jamais. Les blessés, les tués ! Merde, et moi, petit-bourgeois impuissant à mon pied-à-terre du Phénix d’Outremont, si triste.

Je revoyais Claude Boucher venu cet été avec « la jeune mariée » pour nous faire voir son beau bébé-héritier, si heureux ! Il vient de quitter sa jolie banlieue de Québec pour ces montagnes scélérates du sud, Kandahar maudit qui camoufle d’aveuglés fondamentalistes.

J’ai peur, je crains un de ces jeunes « fous d’Allah » au volant d’un bazou bourré de dynamites, voyageur anonyme qui s’approche de Claude, de ses jeunes camarades de Val Cartier. Boum ! La mort ! Quoi dire, faire, toucher du bois, prier, invoquer tous mes morts : « Protégez-le, protégez-le ! »

J’entendais, chez Lepage, un dimanche soir, mon camarade scripteur, Avard, qui a visité une zone merdique d’Afrique, qui recommandait que l’on cesse de jouer les vains matamores à nos jeunes soldats, que l’on expédie nos forces, avec des Casques bleus, pour calmer les « rebelles » et ce gouvernement sanguinaire du Darfour. Là où un « nouveau-Rwanda » génocidaire se joue dans le sang répandu. Je ne saurais mieux dire. Le Pearson d’un Canada pacifique se retourne dans sa tombe.

Claude, cet été, il y aura encore des voiliers à louer au Chantecler, mon lac Rond ne bougera pas d’une vague, l’été va chanter en harmonie avec mes rats musqués sous mon quai, le grand héron fou, les canards aux cous verts, les fidèles tourterelles, le colibri excité, le cardinal si rouge… toute cette beauté estivale une fois de plus…

Je ne veux donc pas voir arriver à mon rivage une jeune veuve aux yeux rougis, ni ce bébé grandi qui serait orphelin de père. Alors je maudis ce Steven Harper-le-bleu, je maudis le pleutre allié du Busch —quand, maintenant, tous aux USA, lui disent son erreur de faux-croisé— oh oui, je le voue aux hégémonies ce cow-boy du « in god we trust » !

Il faut qu’un proche parent soit parti aux portes du Styx pour que mon enragement trouve un point de chute très précis. Mon indignation a désormais un visage familier, aimé. Claude qui aime tant la vie, qui aime son chien, qui aime la belle ville de Québec —et la Corse où il alla en voyage de noces. Claude qui a une jeune famille, qui aimait bien rigoler avec « le vieil homme », le chroniqueur-écrivain, le chum de sa chère tante Raymonde.

À quoi bon toucher du bois ou supplier ses défunts ? La dérive militariste du régime « con-serviteur » à Ottawa contentait tellement M. le Président des USA, un pieux « born again », n’est-ce pas ? « Born to kill », clamait un film ? À propos du Vietnam, tant de films effrayants, avec la fatale et humiliante déroute finale et aucune leçon à en tirer ? Cette guerre là-bas est un méga-Vietnam et on verra un jour des hélicos en pagaille ramenant les boys. Très prévisible. On ne combat pas des terroristes avec des tanks, quelle farce ! Je viens de lire ce matin la corruption totale à Kaboul, l’argent envoyé virant en continuels backshish.

Ô Claude, cache-toi, prends garde, méfie-toi, sois prudent, reviens vite, un enfant mignon aura besoin d’un papa.

juin 092006
 

Hier soir, tard, sortie sur la galerie pour admirer la lune, face à face avec un raton laveur masqué de son joli loup noir ! Se sentant coincée, la bête fonce vers moi, recul prudent, rentrée en vitesse et rires moqueurs de la compagne face au grand tarla tout énervé ! C’est que je viens de la ville, je viens d’un monde où il n’y avait que de vulgaires moineaux sur les fils des poteaux , deux chiens de chasse enfermés dans une cour, des souris dans la cave, une grosse chatte tigrée bien encombrante. Et les poules caquetantes « à vendre pas cher » au marché Jean-Talon voisin.

Ici, au chalet, désormais, ce sera la découverte…de deux fidèles belles tourterelles tristes, d’un gras siffleux, marmotte familière du terrain, de rats musqués nageurs aux becs garnis de branches de saules, d’un fier canard —femelle revue avant-hier— tête haute, toujours suivie de sa ribambelle de canetons dociles. Que dire de cet étonnant gros héron vêtu de gris en camaïeu ? Reviendra-t-il nous visiter en fin d’été ? Que d’oiseaux variés à la campagne, ces jours-ci, un maman-merle nourrit ses petits dans leur nid sous la galerie et nous marchons sur la pointe des pieds !

Enfant de ville, je n’avais jamais vu ni le loup, ni l’ours, ni le renard ? Que des images dans des revues pour faire rêver le gamin-de-macadam ! Animaux sauvages : domaine inconnu. Que les vaches, veaux et cochons chez mon grand-père fermier. Un jour, visite au mini-zoo du Parc Lafontaine (aujourd’hui disparu) pour une dizaine de bêtes bien mal en point. Granby n’existait pas, aucun vaste Hemingford ! Rien. Le loup restait une image, odieuse bête déguisée en mère-grand pour manger les imprudentes fillettes à chaperons rouges !

Il n’y a pas si longtemps, Mont lou-garou, bruits effrayants, silhouette à peine visible d’un orignal et… ma fuite intempestive. Comme tant d’autres citadins, je raffole des documentaires « à fauves, à singes variés », à la télé. Enfant, comme tous les enfants, la moindre bête me captivait. Mes agenouillements sous le hangar de la cour découvrant à cinq ans de ces chenilles bizarres, ces cloportes, ces bibittes innommables, avec ou sans antennes, à huit pattes, à mille pattes, à carapaces, cachées dans des planches pourries que je retournais. Et ces papillons dans le champ vacant du coin de ma rue, ces bourdons, guêpes, abeilles que nous capturions dans des pots, mêlant cruellement les espèces pour les regarder se débattre entre elles. La cruauté des faibles ? Me souvenir d’un jour de canicule, rue Saint-Denis, une plaie d’Égypte ?, tenter d’écraser mille milliers de mouches-de-chaleur sur le trottoir et, un autre été, invasion haïe de sauterelles dans tout le quartier !

Je me souviens, premier chalet loué à Saint Placide, tant de grenouilles dans une baie, rainettes vertes, têtards, un filet de pêcheur pour les attraper et puis les observer dans une cuvette. d Je me souviens, bien plus tard, des milliers de p’tits ménés » frétillants proche de notre rivage à herbiers, Éliane, ma blonde fillette, toute échevelée, très occupée —avec un linge à vaisselle pour épuisette— à remplir de ces mini-perchaudes, ses vaisseaux de plastique colorés.

J’avais plus de cinquante ans quand le ciel dans sa bonté, hum !, me fit voir un bon jour la plus jolie des bêtes sauvages. Le benjamin de mes cinq petits-fils, Gabriel, avait apporté sa fronde « puisque nous allons marcher dans la vraie forêt, hein papi ? » C’était pas bien loin de chez lui, dans le Bois-de-Liesse, ou était-ce celui de Roxoboro ? Soudain, la beauté nous sauta aux yeux ! Un magnifique renard roux grimpé sur un rocher examinait « le vieil homme et l’enfant à la fronde » ! Notre silence, notre immobilité alors, hypnotisés ! Gabriel baissa sa fronde, plus question de chasser : « Papi, quoi lui donner à manger ? » Sortis du bois nous avions roulé vers un boucher du boulevard Gouin pour l’achat d’abats. Cinquante cents pour un grand sac. Revenus dans notre boisé, le si beau renard… disparu ! Nous avions répandus nos viandes sur des rochers, attente vaine, fin de cette image de rousseur radieuse. Revenu à la maison, Gabriel fera et refera la description d’une vision enchantée.

Ainsi, gens de ville, nous resterons nostalgiques d’un certain temps, enfoui dans nos gènes ?, d’une époque où les hommes avaient sans cesse autour d’eux des représentants du règne animal. Monde trop méconnu quand nous vivons dans le béton et le fer, les briques et l’aluminium.

août 212003
 

Après Miron, Pierre Perrault, mort maintenant du poète et graveur Giguère. C’était un enfant de Villeray. Les « un peu plus jeunes que lui » nous l’observions : modeste, yeux lumineux, peau grêlée, frisé, bègue, timide et pourtant entreprenant en diable. Nous serions tous un jour poète, comme lui ! Miron prenait le tramway Saint-Denis, son sac plein de plaquettes, et, bien effronté —de Sherbrooke à Crémazie— à la criée, offrait de la jeune poésie au peuple des travailleurs. Roland, lui, diplômé de l’École des arts graphiques (un recoin derrière l’École technique avant de s’installer rue Saint-Hubert dans Ahuntsic), publiait « son surréalisme québécois » et celui de ses jeunes camarades.

Il rôdait, venait siroter un café —à dix cents— au Caboulot de mon père-bricoleur et « patenteux ». Roland lui acheta —sa première vente à papa— un maigre cycliste, silhouette primitive. En papier-maché. Fierté de mon père !

Giguère, comme Jean-Guy Pilon, et tant d’autres, s’inspira d’abord des poètes de la Résistance en France. Que nous aimions tant : Éluard, Aragon, Supervielle, Char, Desnos; il y greffait des mots d’ici en Résistant de la Grande noirceur duplessiste. Il y insérait ses gravures aux allures bien terriennes :monceaux de terres brûlée, racines tordues, troncs lamenteurs, feuillages inquiétants ou bien pierres usées, roches cabossées. Un monde minéral aspirant à se déterrer. Mythiques mandragores du dessinateur Giguère. Nous étions épatés.

Lui aussi, il s’exila. À Paris, lui aussi. Pour survivre là-bas il fera du graphisme-maquettisme ici et là, même pour Paris-Match. Avec la Révolution tranquille, il rentra, —rassuré enfin— au Québec bouillonnant. Il ne cessera plus de rédiger « ses mémoires » en forme d’appels exigeants, d’idéalisme, d’espérance humanitaire. C’est le graphiste Giguère qui inventa le sigle bleu et rouge d’un parti tout neuf, le P.Q. Enfin, on fit un espace —pas une grande place— à l’art d’ici. Roland s’y creusera une niche solide et les amateurs —jamais nombreux hélas— ont pu s’abreuver à sa fontaine d’images de mots choisis.

Adieu Giguère! Au revoir sans doute… quand nous nous rassemblerons tous, les solitaires descendants d’Orphée. Cette Rivière des prairies, où l’on t’a repêché la semaine dernière —presque aveugle, presque sourd— nous fera un fameux Styx, Achéron-des-prairies en mots inédits, long fleuve mirifique. Et, à jamais, Cerbère sera vaincu.

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