mai 062013
 

Ne craignez rien, je ne citerai pas tout le poème de Lamartine. Ou de Musset ? Ma mémoire ! Bon, bienvenue ô (au) lac car oui, ça y est, le Rond s’est enfin dégagé de sa glace. Et puis les verts bourgeons bourgeonnent dans nos arbres et, ce midi, filant au nord, une flopée énorme de canards —huards, sarcelles, bernaches— ma méconnaissance naturaliste… ? On revient du sud (Maine) où, le long des plages, un vent froid soufflait sauvagement. Oui Ferland : « on gèle au sud, on sue au nord car, à Ste Ad, samedi, la chaleur torride !
Vendredi matin, à Ogunquit, nous petit-déjeunons au Huckleberry dans Beach Road. Un restaurant vieillot, plafond gaufré, lampes torchères, mobilier ancien à loges cuirettées, plancher de mini carreaux émaillés et plein de photos antiques aux murs époque du Rudolf Valentino, du Picasso, du Matisse, de la Gloria Swanson, tous touristes du Ogunquit d’antan. Quand s‘organisaient de célèbres courses d’autos, des régates partant de l’Anse à Perkin, à coté.
Une jolie dame qui lit Pays d’En Haut m’aborde : « Vous ! Pouvez-vous me dire ce qu’Ogunquit a de spécial pour que j’y revienne depuis 40 ans ! » Ma Raymonde trouve, lui répond : « C’est pareil pour nous, notre quarantième visite à nous aussi, c’est l’attraction des souvenirs. La force des sites familiers. Le pouvoir de la mémoire des lieux aimés. » Vrai. Plaisir curieux de revoir Wells Beach, joli bourg à jolis chalets, ou Portsmouth, ses quais. Portland, ses cafés, son musée. Les Outlets à aubaines de Kittery. Revoir en pensée René Lévesque à son cher motel Dolphin avec Yves Michaud, au poker au dessus des falaises sous les cascades bruissantes du merveilleux sentier Marginal Way. Ou Robert Bourassa et sa famille (et les bouncers !) à son cher motel Aspinquid fait de bardeaux noircis.
Début mai donc et pas de homard, c’est fermé chez Fisherman’s ou chez Lords. Chez Jacquie’s aussi. Nous reste, au dessus des barques du mini port, le classique rustre Barnacle and Billie’s. Reste aussi à admirer le vaste océan. Un jeudi matin, on est ébloui par l’infini des eaux et ses verts tendres au rivage, plus loin, vert dense comme vitre de bouteille ! Oh ! Et puis, la rivière gonflée de marée en bleus graves, si sombres. Marcher, marcher sur le sable tapé revoir ces vives frises qui rampes, moutonneuses, toutes immaculées au soleil. Héroïques surfers au large mais hélas ce vent du nord, brrr !
Un mercredi soir dans le noir du rond-point des tramways, assis à un banc, digérant les fameuses pâtes du Roberto’s, Shore Road, observer un fragile noir horizon, un phare clignotant, un ciel de lune et plein d’étoiles. Un peu plus tard, à l’est, des bleus de velours vus de la longue galerie du Norseman :la beauté ! Le lendemain, mercredi, en plein jour, étonnant ciel de roses et de jaunes, tout ce village 19 ième siècle sous une lumière romantique, faire les boutiques, nos yeux ravis. Retour donc et, samedi, ici, chaleur du nord (!). Rentrés au pays et ce sera donc le lac fluide, débarrassé, les bourgeons, de premiers oiseaux et ce flot de canards qui crient le retour du doux temps ! Vive la mer, vive les Laurentides.

avr 232013
 

Comme tant d’autres aspirants— aspirant-quoi ?— dans ma cour, enfant, je montais des « séances ». Ah, se déguiser, improviser, mimer la vie par des clowneries ! Un virus car devenu jeune homme, j’écrivais pour le « Téléthéâtre » e Radio-Canada, 1- « La mort dans l’âme » sur un jeune drogué (François Tassé si bon), 2- «  Blues pour un homme averti » sur un « bum » mythomane (Jacques Godin si parfait), 3- « Tuez le veau gras » sur un « revenu de Paris » tout tiraillé (excellent Benoît Girard).

Bon. Je reviens d’examiner « sur qui » on écrit maintenant. J’ai vu.
1- « Avec Norm » sur un aliéné total ( Benoït McGinnis fantastique).
2- « Ce samedi, il pleuvait » sur quatre banlieusards amochés.
3- « La Fureur… », avec sept belles érotomanes en cages, incarnant sept Nelly Arcan, une « écrivante » surdouée, trouvée pendue, hélas.

Quand c’est bon, il n’y a rien pour battre cela, le théâtre. Tant pis pour ceux qui n’y vont jamais. Vrai aussi: quand c’est « plate » sur scène, rien de pire. Un navet sur film est moins assommant qu’une pièce ratée.

À la fin de cette « Fureur. au théâtre « Go » dimanche, sentir un terrible embarras. C’est un « show » de la brillante Marie Brassard. Terrifiante sa « cérémonie des adieux » à sept autels vitrés. Un hommage lugubre renversant en sept appartements cloisonnés, sept « cases » d’une BD funèbre pour illustrer l’obsession du « paraître » « jeune et sexy ». Voyez la part hallucinante jouée par la « disloquées » Sophie Cadieux parlant par saccades, comme électrocutée. Inoubliable !

Aller rue Chabot coin Everett, dans ma « Petite patrie », et voir se débattre ce quatuor familial tordue de St-Bruno-banlieue, oh ! Sinistres récitations revanchardes écrites par une surdouée, Annick Lefebvre. C’était un samedi soir et cette bizarre démonstration s’intitulait « Ce samedi, il pleuvait… » !

Il ne pleuvait pas ! Et allons d’abord manger. Oh ! là, à l’ombre de ma bonne vieille église italienne « Madonna della difesa » rue Dante, coin Henri-Julien. Mon bonheur de replonger dans ce quartier de mon enfance. Même rue pour faire halte à la « très » fréquentée « Pizzeria Machin ». Endroit vivant, bruyant et avec un bon chef. Raymonde et moi avons connu ce genre « resto pop », répandu en Italie, à Grosseto, en 1980, on se rapprochait de Rome. Lieu sans chichi, convivial, familial, service à bousculades, des mets servis en criant et sous un éclairage puissant. Ici c’est « apporter votre vin ». Avec « dépanneur » l’autre bord de la rue.

Après, dur pour l’estomac, rue Chabot, aux Zécuries (sic), quatre banlieusards (papa maman et les jumeaux) qui se collent à un immense tableau noir pour, avec des craies de plâtre, se tracer en contours,, comme font en « scène de crime » les policiers ! Théâtre mortifère qui lutte pour vivre. J’ai donc vu « sur qui » on rédige en 2013, par ici : trois textes captivants et je le redis, quand c’est bon au théâtre il n’y a rien pour battre ça,

avr 152013
 

Je guette le vrai printemps. Il tarde. Trop de neige sur la terre, non ? Ai-je « un trouble » avec le climat ? Combien sommes-nous à nous impatienter d’un printemps retardataire ? Paraît que l’on nomme « toc » une manie. On disait, jeune, « un toqué » pour parler d’un doux maniaque. On le dit de celui « affublé d’un TOC, souffrant d’un « trouble obsessif compulsif ». Suis-je « toqué » à tant soupirer après le printemps. Je l’avoue, je n’en peux plus tant j’ai hâte d’aller errer, fouiner, vaquer « à ci et à ça », vagabonder quoi, oui, me promener tout bonnement dans mes alentours et en souliers !

En attendant un air plus chaud, de voir disparaître (enfin) tous ces restes de neige, j’en viens à songer « troubles ». Notre bonne vieille peur de l’anormalité. Je raconte dans le premier chapitre de mon « Anita… » (merci lecteurs d’en faire un best-seller) ma peur de la folie. Comme nous avions tous, jadis, une soutane (prêtre, religieux, nonne) dans chaque famille, nous avions souvent « un fou » à St-Jean de Dieu. On en avait… trois !

Désormais, médecine moderne aidant, nos fous ne vivent plus dans des asiles. Merci progrès. Ainsi, il nous arrive désormais, n’est-ce pas ?, de croiser sur notre chemin d’étranges personnes. Ça m’arrive par ici. Parfois les mêmes silhouettes aux mêmes jours, aux mêmes heures, avec un comportement plus ou moins quelque peu erratique. Enfant, dans nos rues de Villeray, dans les années 1930, nous avions une faune bigarrée : un trembleur convulsif, un qui parlait à voix haute et gesticulait, s’engueulant parfois avec des invisibles, un qui, courbé, barbu, trembleur et baveur, tournait la manivelle d’un vieil orgue dit de barbarie au marché Jean-Talon, une romanichel à voile, nez crochu, nous tirait « la bonne aventure » avec un perroquet trieur de cartes. Ou encore un « sans jambes aucune », torse à deux mains dans sa voiture qui se se mouvait à l’aide de deux gros fers à repasser antiques ! Un travesti exhibitionniste tournoyait autour du cinéma du coin. In « ti-coune », drogué montrait un rat vivant, un vétéran, un gazé de 1914, ses images « polissonnes». Aux quatre coins de Jean-Talon. s‘époumonaient en harangues névrotiques « des dérangés », fous de politique fasciste ou de religion ! Eh bien, nos paysages d’enfant en étaient comme… oui, égayés ! Car « le dimanche les enfants s’ennuient » cher Trenet. Mais parfois nous filions sous les jupes de nos mères !

Stop ! Avril 2013. À Ste Adèle et je lis pour voir plus clair. Je me documente. Qui suis-je, qui êtes-vous ? Du genre parano ? Qui se méfient sans cesse ? Peur d’être jugé. Du genre schizoïde ? Détaché de toutes relations sociales, apathique. Du genre narcissique ? Qui se surestime, se voit supérieur. Obsessionnel compulsif ? Voit à l’ordre, le rangement, le contrôle. Personnalité histrionne ? Émotions excessives, quête d’attention et des jugements des autres.

Suffit ! « Toc » pas « toc », devoir vivre avec soi et s’endurer. Se montrer endurable aussi. Sans le déni total, admettre son « récit de vie » :1) le bagage involontaire, l’inné. Et ( 2) l’élevage, l’acquis, l’appris. Et toi, printemps, arrive. Vite !

 

avr 142013
 

 

 

Je roule dans ma petite patrie rue St Denis et je dépasse « l’ex-école de réforme ». Lieu tant craint qui est devenue une école de théâtre. Nous voici rendus, R. et moi, à une salle à l’éclairage extérieur glauque. Pénétrons. Assis les voyeurs ! Et pour regarder quoi ? Du Serge Boucher. Un as de l’observation pathétique ! Téléréalité ? Dans un sens, oui ! Passer quasiment deux heures à observer trois phénoménales loques humaines nous exhibant leur petite « vie de mard… ». Un trio de « misérables », pire que du Victor Hugo.

D’abord une mignonne battue par son chum invisible, kioute révoltée et enceinte (oui en 2013 !!!), c’est la chambreuse, Nancy, une dingue sacreuse qui rêve d’un beau mariage en blanc, elle, l’écervelée à la grossièreté sauvage ! Serge Boucher fait peur de vérité.

La deuxième femme du trio ? Zieutez cette scabreuse Tony, vieillie et agressive qui « colle » dans ce « 3 et demi ». Serge Boucher fascine ! Ce taudis de l’est où l’on entend siffler le trafic du boul Métropolitain fait peur. S’y abrite aussi un drôle de héros : Normand dit « Norm », le sommet du mal né, oui, « peak » du malchanceux !

Allez voir cette lie de la terre avec cet aliéné criard, secoué de tics, « toussant » un français, jargon tout hachuré d’onomatopées. Crétin qui admire Batman, son co-loc absent et qui le domine, l’abuse, pauvre mini-cerveau tout ratatiné, Norm tolère à peine François, ce petit-bourgeois envoyé par le CLSC, « parrain » désespéré.

R et moi, « calés » dans nos fauteuils, ahuris, pétrifiés, restons pas moins impuissant que « le parrain » voyant vivoter cette « poubelle à six pattes », échantillons d’un monde perdu.

Si « Avec Norm » revient, ne ratez absolument pas cette histoire qui s’achève au « Rideau Vert ». Serge Boucher a étudié ici, en basses-Laurentides, au cégep-théâtre de Ste Thérèse. Boucher, redoutable observateur, est aussi un auteur de télé : « Aveux », « Apparences ». Il a avoué avoir vécu cet échec, tout comme son François du CLSD. Ce rôle est joué excellemment par l’acteur filiforme surdoué Éric Bernier. Voir ce cirque hallucinant un jour, un spectacle bien orchestré par le metteur en scène, Bellefeuille. Un carrousel nerveux de tableaux quasi scabreux, sordide laid tricot scénique, cruelle mosaïque, hélas, que l’on sait vécue de Gaspé à Gatineau.

Voir se tourner les pages salies d’un album crotté, on a l’impression d’inhaler des odeurs de pourritures, effluves aux odeurs répugnantes tellement ce récit est ultra réaliste. Boucher ? Un impitoyable « boucher » (eh !) ! Ses viandes découpées ? Horribles flasches d’un chirurgien aux scalpels précis. Effrayant d’observer ces destinées. Nancy, l’accorte guidoune se débattant de son crétinisme, est l’ouvrage de génie de la comédienne, Sandrine Bisson; du très grand art prodigieux et qui glace le sang. Cette Bisson ira loin, très loin.

La comédienne Muriel Dutil incarne Tony, vieille âme abrutie sans aucune morale. Inoubliable ! On est subjugué dès l’ouverture du rideau l’entendant réclamer à grands cris ses « pétaques pillées »; un jeu électrisant, Dutil y est hypnotique. Enfin, allez vite admirer « Norm », le héros écrasé joué de façon géniale par Benoît McGinnis. Sobre directeur de l’école du « 30 vies » de Fabienne Larouche, il s’est composé un abruti d’une invention à couper le souffle. Voir jouer ce McGinnis-là est sidérant. Des dons renversants et je pèse mes mot.

mar 072013
 

De plus en plus, la télévision devient un tonitruant magasin. À Ottawa, Il n’y a plus aucun contrôle des commerçants et notre télé est devenue un souk criard, un centre commercial à gueulardes insupportables. « Brault et Martineau » est en tête de cette fanfare démagogique. Le directeur qui devrait modérer ces abus, M. Blais, est le grand complice de ce dévergondage. Le CRTC ne « surveille » plus rien. Il dort.
Nous tous, citoyens qu’on veut abrutir, devons riposter et ma protestation est une invitation : tous ceux qui s’indignent de ce « laisser aller » du CRTC, doivent exprimer leur indignation. Les « ondes publiques » sont la propriété de tous les citoyens. J’invite à protester par tous les moyens, tribunes diverses ou via les réseaux sociaux. S’imaginant « qu’on s’en aperçoit pas », le CRTC est devenu un mollusque et les grossiers cris des vendeurs de produits divers se multiplient avec les années.
Monsieur Jean-Pierre Blais, président du CRTC ultra tolérant, sachez que nous avons la nette impression qu’on en arrive à organiser une télévision où les émissions (souvent fort captivantes) servent de bouche-trous, insultes grossières à tous les créateurs, M. Blais. Aux producteurs, auteurs, comédiens et artisans surdoués souvent. Il faut espérer qu’on va maintenant y mettre un frein, du moins légiférer. Assez de ces serrés bombardement abrutissants !
Nous ne sommes pas bêtement contre toute information commerciale, utile et bien faite, montrée à un rythme modéré. Mais les incessantes sauvages interruptions actuelles sont une grimace aux auditoires populaires. Ce mépris flagrant doit absolument cesser, M. Blais. L’État a un rôle à jouer, des règlements de civilité à établir. Ce CRTC endormi doit stopper cet insupportable carnaval visuel et sonore —aux décibels mis en mode « compression » pour obtenir davantage de bruit marchands. C’est connu. Ce grossier tintamarre, toléré par le CRTC, doit être combattu. Le public de la télé n’est pas constitué d’abrutis.
Levons-nous tous, je supplie ceux qui me lisent de s’ajouter à ma protestation. Le CRTC a comme mission de discipliner tous ces interrupteurs compulsifs qui défigurent le bel ouvrage de nos créateurs. Soyons infectieux : priez vos parents, ami, voisins, de protester partout. Il en va de notre bnne santé…télégénique, non ?
Si, comme moi, vous appréciez les talents inouïs de la sauveurienne, Fabienne Larouche (« 30 Vies, Trauma »), les talents des « femmes en prison », des avocasseries de « Toute la vérité », ou du superbe « O » avec Nadon le superbe, des policiers Bossé et Legault, de « Mémoires… » et j’en oublie… vite, écrivez à ce chef endormi, M. Blais, chef du CRTC, à Ottawa. Cela sans le timbre obligatoire !

mar 042013
 

C’est samedi matin, on roule vers la gare des autobus où un minibus (que je raterai) conduira à Hull 35 écrivains vers leur Salon du livre. Raymonde conduit la Honda noire, j’ouvre Le Devoir et comme promis, je vois la page du Cahier-Livres qui m’est offerte. Je vois la photo de moi, au 1111 rue Berri devant le porche de ma vieille « École du meuble » où j’ai obtenu (en 1950) un diplôme de céramiste. Mon « chauffeur privé », Raymonde, m’écoute lisant la critique « dithyrambique », extrêmement louangeuse du journaliste Cornellier pour mon récit maintenant en librairie : « Anita, une fille numérotée ». Je suis bouleversé car Cornellier parle d’un chef d’oeuvre ! Rien de moins, alors, imaginez mon émoi. Soudain, Raymonde fond en larmes et se stationne.

Vous qui, ici, me lisez chaque semaine, sachez que les artistes —théâtre, peinture, danse, etc.— sommes fragiles. Que nous guettons avec appréhension les opinions critiques sur ce que l’on pond, que les blâmes font mal mais que les éloges, publiques et aussi privées —merci pour vos courriels— nous fortifient, nous stimulent aussi, nous encouragent à continuer.

Les mots chauds, si enthousiastes de Cornellier dans Le Devoir de samedi dernier, me paralysèrent, j’étais comme assommé et il m’a fallu 48 heures pour m’en remettre et, enfin, le remercier. À mon grand âge, on se pose des questions. Est-ce que j’ai toujours d’assez bons ressorts, assez de jus, pour encore savoir bien raconter un pan de vie. Avec « Anita… », un souvenir embarrassant de ma jeunesse ? Cette fois —est-ce mon cinquantième livre ?— puis-je narrer avec un bon talent cette brève histoire d’amour adolescent. Cette folle passion pour une jolie jeune Juive, blonde aux yeux bleus, rescapé d’un camp nazi, devenue étudiante en céramique avec moi à cette École du meuble ? L’éditeur (XYZ) a lu et vous a dit « Oui, on le publie » mais est-il épaté ou s’il veut seulement vous joindre à sa vaste écurie d’auteurs ? Le doute, ce maudit démon ! Voilà qu’un journal prestigieux titre : « Anita »,  c’est un chef d’œuvre ! »

Soudain, vous dégringolez dans les souvenirs d’un gamin de Villeray qui rêvait, hésitait —comme tous les ados—, devenir céramiste ou comédien ? Annonceur de radio ou… écrivain, quand il n’y a pas même un seul livre chez vous, quand les parents prudents s’inquiètent de votre avenir. « Un artiste dans notre famille, Seigneur !, il va crever de faim. » Vous, fils de petit restaurateur, vous savez bien le danger des illusions mais vous aimez tant raconter des histoires depuis celles (d’horreur) racontées le soir, tard, dans la chambre-double de vos cinq sœurs, les empêchant de dormir. « Marche vite dans ta chambre, mon escogriffe », me criait maman.

Et puis, un jour, cet hebdo de Villeray qui accepte vos premiers articles. Maintenant c’est l’hebdo d’ici qui accueille vos écrits chaque semaine : boucle bouclé ? Si personne n’aime ce que vous pondez, c’est la fin d’un rêve. Bien chanceux, voici que, 50 ans plus tard, ce Louis C. , jeune lecteur emballé, publie des éloges vertigineux et affirme « urbi et orbi » que cette Anita de vos dix-huit ans, eh bien, « c’est un chef d’œuvre » ! Je suis sur un nuage. Le lirez-vous ?

 

fév 272013
 

Une jolie jeune fille (Sarah), vive, piquante, intelligente, une bonne amie de mon petit-fils Gabriel, se trouve à une fête au beau jardin d’Éliane, ma fille, un dimanche à Ahuntsic. Ce fut un choc !, et la voyant s’animer, observant chez elle tant de grâce et de bagout…je me suis souvenu d’il y a plusieurs décennies, d’une autre jolie jeune Juive, Anita fille numerotee_C1Anita. Ma « première blonde », une camarade de cours en céramique.
J’y pense comme ça parfois, car j’éprouve des remords de l’avoir rejetée.
Elle état juive elle aussi, et, bien plus grave, réchappée du premier et du plus grand camp nazi polonais, Auschwitz
Je l’aimais très fort et elle aussi m’aimait, cela dura une dizaine de mois —j’étais interdit d’entrer chez elle, rue Clark et St-Viateur, mystère.
D’autre part tout mon entourage (parents, voisins, amis) me déconseillait de la fréquenter. Race, religion.
À cette époque (1948) un antisémitisme « soft » régnait au Québec comme ailleurs.
J’ai coupé avec elle. Bêtement.
Lâchement même.
Mon livre, « Anita, une fille numérotée » me sert de honte avouée, de défouloir, de regrets. De confession aussi sur ce temps maudit.
J’en ai profité pour narrer « la bohème » de ces années d’avant la Révo Tranquille.
Aussi pour faire connaître cet art méconnu, la céramique. Pourtant métier vieux comme le monde.

 


fév 232013
 

Incroyable, on m’a arrêté vote aimable chroniqueur et il a été condamné à payer une amende $135 ! Éric Nicol, mon jeune patron à « Pays d’en Haut », va-t-il mettre ce billet en « page 3 », en « faits divers-police. ? Attention, pas de menottes ni SQ à mes trousses. La vraie histoire ? Ce fut fait discrètement. Merci à la jolie cheffe bibliothécaire.

Je vous ai avoué mon enfance délinquante dans les ruelles de Villeray, on ne change guère. Mon arrestation et mon humiliation ? Méritées. Délinquant ? Oui, hélas. Rendu à mon grand âge, je n’ai jamais pu me retenir d’ajouter des petites notes dans des livres appartenant à la communauté. Preuves sous les yeux, j’ai plaidé coupable, non, « J’ai pas tué j’ai pas volé », (Bécaud), j’ai barbouillé. Dans de la propriété publique et collective.

C’est plus fort que moi, parfois juste noter « bravo ! », Ou : « formidable !», « bien dit ! » et même, à l’occasion, inscrire en marge : « Erreur ! » Je ne suis pas fier de moi et j’espère que les enfants adèlois ne liront pas tout ceci.

Quoi ajouter ?

Évidemment, avec « mes » livres achetés à St-Jérôme —Renaud-Bray, le bien gréé— j’y vais encore plus librement. Des amis, à qui je prête un de mes livres «payés », me disent : « J’ai beaucoup apprécié tes notes ! » Admirez ma franchise, d’autres : « De grâce, abstiens-toi d’ajouter tes propres commentaires ! » C’est maniaque —et depuis très très jeune— ce besoin, comme pour faire savoir : « un jour, j’en rédigerai moi itou des bouquins ».

J’étais donc «barré,  persona non grata » à ma propre biblio. Le bandit démasqué s’est fait morigéner : « Bon, écoutez bien, nous avons délibéré sur votre cas, voici la sentence. Une fois acquittée l’amende de $135, on vous acceptera de nouveau dans nos murs mais plus pour 10 livres gratuits comme à tout le monde, à l’avenir que trois livres à la fois ».

Verdict accepté car, contrit, je l’ai admis volontiers, on ne trace pas de signes, même brefs, dans un livre prêté par les payeurs de taxes municipales de Sainte Adèle, vous tous. Faut dire que —c’est pas une excuse— je traîne constamment un stylo sur moi, comme Hugo, Flaubert, Zola et Laferrière. Que mes journaux, chaque matin, se couvrent de mes annotations —toujours intelligentes (?). Ma Raymonde s’en désole et, quelques fois, elle en rit car j’y injecte ironie fine, humour gras et des sarcasmes. Cela dit, que je ne vous voie pas venir fouiller dans mon bac bleu pour collectionner ces inédits du « grand auteur ». Enfin, consolation : la sévère cheffe m’a dit : « Avec vos 135 piastres versés —eh viande à chien !— vous pourrez rapporter chez vous cette dizaine d’annotés, ils vous appartiennent. »

Post scriptum : il y a bien des années, j’ai fait don à notre biblio d’un lot de cartons bourrés de mes livres ( qui s’humidifiaient dans ma cave mal chauffée). Enverrai-je une facture ou est-il trop tard ?

fév 182013
 

 

J’écoute souvent, pour l’ambiance, la radio de Radio-Canada le samedi après-midi. L’acteur Girard y fait jouer les bonnes vieille tounes illustrant l’ancien cinéma. Raymonde et moi aimons écouter… soudain Perry Como ! On sourit. Défilent Sinatra, Dean Martin, Crosby, Judy Garland. Une jeune, Lisa Minelli ! Et je me suis souvenu, ambiance, d’un surlendemain soir de Noël à Miami. Nous entrions à l’hôtel Fontainebleau. Juste y déguster un cocktail en son chic cabaret, y respirer l’ambiance des Sinatra et, tiens, Perry Como ! Nous savions que les stars de la chanson passaient au Fontainebleau à tour de rôle. La vie n’est-elle pas meublé d’ambiances ?

Ô l’incrustation des mélodies musicales ! On a donc revécu, samedi, un autre moment d’ambiance. J’ai songé ensuite à la table de la cuisine, à un album de photos, à tante Maria, sœur de maman, veuve « en moyens ». Ambiance : cette tante à l’aise passait des vacances d’été au bout de monde et nous, modeste trâlée de Germaine, c’était inaccessible. L’hiver venu, Maria, nous montrait ses photos. Pour les prendre, il avait fallu des heures et des heures de train! Où donc ? À Old Orchard !

« Voyez mes enfants ces plages de sable à perte de vue ! » Old Orchard était une villégiature huppée à cette époque —sans tous ces motels à bon marché, tassé. La marmaille jasminienne était épatée par ces vues : un long pier —quai sur pilotis— en plein mer, des kiosques, des homards partout, on ne savait pas ce que ça goûtait. Ici, des autos tamponneuses, là, une Grande roue ! Tante Maria nous offrait des klendakes salés, disant : « c’est fait à l’eau de mer ». On se pâmait ! On en revenait pas de voir, en noir et blanc, à perte de vue ces vagues immenses, voir dans l’océan, notre tante tenir pour nager notre cousine Madeleine : « Mais, ma tante, les requins ! » Maria riait. On admirait ce grand hôtel et son annonce : The Normandy. Y aller un jour, oui, mais pas avant 1960. 25 ans plus tard. « À Old Orchard —Maria prononçait à l’anglaise pour épater— on rencontre beaucoup de canadiens-francais. » Le Maine, c’était si loin et y séjourner et devait coûter « les yeux de la tête », c’était un rêve plus grand que la panse. »

Ambiances ? Jeunes enfants, une autre sœur de maman , Pauline, avait pris pays. Où ? « Dans le grand nord », disions-nous. On l’imaginait proche du pays du père Noël. Elle tenait, avec mon oncle Paulo, « Le Montagnard », hôtel au cœur de Saint-Donat. Jamais nous n’avions grimpé si haut, en 1935, nous imaginions mal ce pays de montagnes. Ambiance. Tante Pauline venait parfois nous visiter certains dimanches. Et elle aussi avait toujours, en noir et blanc, de neuves photos. On était étonné de voir ces grosses motoneiges de Bombardier qui servaient en 1940, de navettes pour les touristes à skis. Je crois que « Le Montagnard » existe toujours, en 1995. Tante Pauline, pour nous presque une Esquimaude, exhibait des ours captifs, des têtes d’orignaux et aussi —nos cris— des portraits d’Indiens du lieu :« Oui, ce sont de vrais sauvages ! Et très gentils ! » Nos films de cowboys tueurs d’Amérindiens en prenaient un coup ! « Oh, ma tante, le père Noël, là-haut, vous ne l’apercevez jamais ? » Elle riait : «  Il a tant d’ouvrage, comprenez-le, les sueurs l’aveuglent ! »

J’ignorais que je deviendrais un adèlois, habitant des collines en 1978, et si heureux d’y vivre auprès de ma blonde, Raymonde.

 

 

jan 252013
 

 

 

D’abord dire que mes 30 bonnes raisons de vivre par ici m’attirent des reproches : « Vous avez omis la fantastique piste du « P’tit train du Nord », « Vous avez négligé votre Excelsior, et sa mini-mangrove au chlore, votre palétuvier chéri », « Vous avez oublié notre chère Bibliothèque publique du centre commercial ! » Bon, bon. Vrai. Et je pourrais en ajouter, mais pardon, je suis bien vieux et, comme on apprenait au collège : « Mémoria diminuitur nisi eam exerceas ! » Traduction : « la mémoire diminue si on ne l’exerce pas ». Tiens, parlons bouffer, manger, autrefois et maintenant.

Jeunesses, sachez le bien, c’est assez récent le goût développé, les raffinements car,jadis, « manger au resto », c’était pour un hot-dog (rôti ou stimé), un hamburger, une soucoupe de frites. Parfois du luxe : un club-sandwich ! Ou bien un « chips and fish », notre régal rue Bélanger.

Mon père, importateur de « chinoiseries » failli, a tenu très longtemps une modeste gargote au sous-sol de notre demeure. Cuisine élémentaire ! Les jeunes clients (beaucoup de zazous) revenus des deux cinémas du coin se payaient la traite. Hum… Simples sandwiches, jambon ou poulet, de la soupe Cambell, un banal « grill cheese ». Voyez-vous le menu chez « au caboulot ». Quand papa récompensait un beau bulletin du mois —« et papa nous aimait bien », cher Léveillé— il façonnait, la langue sortie, un beau Sunday (sorbet). Avec du caramel, du chocolat en masse, de la goûteuse guimauve et… oups ! une belle cerise dans son jus !

Seuls les grands bourgeois, les artistes célèbres, allaient bouffer dans nos rares « grand » restaurants, tel « Chez son père », « Au quatre cent ». Notre jeunesse, dans l’après-guerre, c’était l’ignorance totale de la cuisine raffinée et il n’y avait pas d’école dite hôtelière. À Pointe Calumet dans Avenue Lamothe, l’actrice Juliette Huot passait pour un cordon bleu juste pour ses « sphaghetti italiens », une gibelotte ou une fricassées improvisées.

Jute ici, aujourd’hui ? Plus de douze places, et fort bien cotés. Ce fut incroyable, cela, en 1940, 1950. Aussi, j’y vais très vite : les bonnes pâtes de « La Chitarra » et de « Spago ». De fameux rouleaux chez « Sothaï », Palais fins, filez à « L’eau à la bouche » ou à l divine « La Vanoise ». Et chez « Garçons », dégustez omelettes baveuses ou croque-monsieur rare. « Aux deux oliviers » ou à « L’Esméralda » on voit le joli Lac Rond. Chez « Milot », ses moules succulentes et chez Grillades Aspria » ou chez « Le Provençal », c’est « oh bonne mère ! » À las mi-côte Morin, goûtez bœuf ou fromages « ébouillantés » au « Chat Noir », enfin, pour « l’osso des ossos, » entrez chez « Juliano ». J’en oublie je gage ? En tous cas, nous, les anciens, on trouve que pour bouffer, les temps ont « bin » changé. Très bien.

 

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