C’est l’aube, pas « l’aurore aux doigts de rose » du poète, non, verte ce matin-là. Cinq heure du matin, le store levé, je vois un ciel chartreuse ! Dôme, coupole, bocal, aquarium géant. Puis ce ciel devient de la grenadine et, enfin, de citronnade. Je turlutte : « here comme the sun ».
Voici l’automne. Je vois souvent —au milieu de ma rue— un écureuil d’un blond rare ! Qui se sauve, de qui, de quoi ? Jamais vu dans mes parages tant de blondeur. La veille, étonné devant le téléviseur : voir surgir dans une savane africaine un lion à chevelure… noire ! Lui donnant une allure effrayante. Coq à l’âne : mon sorbier porte tant de fruits qu’il en penche, aller lui poser un tuteur, il va choir ma foi ! Au pied de l’escalier, le mahonia, plus un seul bleuet sauvage, déjà. La voracité des mésanges, des pics. C’est l’automne. Voilà que repasse ce blondinet étonnant. Coursant toujours.
J’ai pu mettre de l’ordre dans ma hiérarchie des poètes de France grâce à « La poésie pour les nuls », un 500 pages signé (par J.-J Julaud, First, éditeur). Bonheur de relire les premiers venus : Rutebeuf, Villon et Ronsard. Défilent. Rimbaud et Verlaine et Paul Éluard, Robert Desnos, idoles de mon adolescence. J’ai vu aussi mourir le chanteur Jean Ferrat, l’an dernier (par Robert Bolleret, L’Archipel, éditeur) * Cet enfant de Versailles s’exilera en Ardèche, il y sera maire-adjoint, il adorait sa petite patrie adoptive, son village, ses parties de pétanque (et de poker), ses indispensables muses, Christine et puis Colette. Mort des suites d’une profonde dépression à 72 ans. Une biographie qui m’a raconté un orphelin, en 1942, son papa est déporté —juif— en Allemagne. Ferrat débutera en modeste ménestrel à Paris au temps des Félix Leclerc, Brel, Ferré, Brassens. Jean Ferrat mit ses musiques sur les mots du « plus grand poète français du vingtième siècle », Louis Aragon. Celui de « La femme est l’avenir du monde ». Aragon avait tant raison. Ferrat « au bout de son âge », resté un révolté déclare : « En fin de compte, il n’y a d’essentiel, dans cette vie, que l’amour ». Si vrai; j’ai cette chance d’aimer toujours et je la souhaite à tous. Mais ne vous plaignez pas les « sans amour profond » si vous avez mis le cap, jeune, sur autre chose. L’argent, le succès à tout prix, la gloriole. Ou quoi encore de trivial.
Je suis plongé dans « le récit de vie » de la petite sœur de Fidel Castro ! Juanita Castro rédigea à Miami : « Fidel et Raül, mes frères » (Plon, éditeur), une charge féroce contre son grand frère, vaillant libérateur du dictateur Batista à Cuba puis métamorphosé en despote tyrannique. Qui fera jeter en prison les esprits libres.
Lire, ma passion et voir courir cet écureuil à poils blonds. Depuis trop de jours un froid novembrien; va-t-en pas cher bel été. C’est l’automne, déjà deux de mes érables se sont maquillés, beaux fards de jaune et de rouge. Ma Donalda marmotte trottine ramassant des je-ne-sais-quoi, En vue des neiges à venir ? Mes gentils canards restent cachés, plus aucun rat musqué sous mon quai, plus de mouffette sous mon perron. Sur mon radeau, un goéland dépose un crapet-soleil. Mort. Tout sec, pour attirer une « goélande » ?
« Que la montagne est belle » chantait Ferrat pêcheur de truites et d’écrevisses, toute la montagne va se travestir. Beau carnaval. Fuit encore ce blond marathonien, de quel croisement génétique peut bien venir son pelage caramel ? Tiens, Lise Payette se lamente —Denise Bombardier, virée de TVA et de la radio-Arcand, le fera-t-elle ?— « on n’engage plus les vieux », dit Lise. C’est mon cas en radio télé et je sais pourquoi, mes oreilles malentendantes. Rivard chantait : « Ne riez pas de l’homme qui a peur »; jeunes gens ne riez pas des demi-sourds et ne riez pas des vieux qu’on jette, ça vous arrivera. Je ne courre plus le cachet, je chronique en joie aux Pays d’en Haut et je lis; ce bel « Album Miron », illustre poète de Sainte Agathe, une centaine de photos dont lui en frère religieux enseignant !
Je guette ce vif blondinet; où courre-t-il, après quoi, après qui ? Son ombre. Les actualités ? Rapport de l’ex-policier, Duchesneau et voici un deuxième « Massacre à la Polytechnique ». Des futurs ingénieurs y deviennent parfois d’affreux corrompus-à-collusions, à politiciens à graisser. Est-ce en vain, leurs cours d’éthique ? Ça pue. Plutôt revoir l’aube chartreuse, puis grenadine,… puis citronnade.
*ces livres, gratuits, sont à la biblio toute neuve pas loin du Marché Métro.