L’auteure Lise Payette, devenue columnist au Devoir, râlait dans sa colonne sur la platitude de ces débats télévisés. Elle a raconté son pépé qui la conduit, toute jeune, au Marché Atwater, proche de son Saint-Henri, natal. Là où elle a pu admirer un vrai tribun. Un orateur fougueux, emporté, au verbe incisif. C’était le cher bon gros maire (ardent nationaliste) de Montréal. Houde. Qui fut floué par le malin Duplessis. Camiiien Houde. En 1940, emprisonné en camp de concentration (eh oui !) en Ontario. Pour avoir encouragé nos gens à ne pas s’inscrire sur une liste « de conscrits » en devenir. Lise Payette a dit qu’elle avait appris, « drès là », rue Atwater, ce que c’était qu’un vrai tribun, un orateur sur hustings dynamique. Elle a raison, que d’ennuyeux discoureurs lors de ces ennuyeux débats télédiffusés ! On s’ennuie du verbe, par exemple, hautain et tranchant, cruel et mordant d’un Trudeau, ou de la parole nerveuse, chaude, lyrique, d’un René Lévesque. Sans parler du « roi des tribuns », feu Pierre Bourgault.
Désormais que de tristes et ennuyeux baratineurs qui font ronfler. Cela du monocorde et nasillard Duceppe au sinistre « bonhomme sous Valium » (merci Chapleau !) Stephen Harper, ou encore ce plate « prof tournesol », S. Dion, jusqu’à cette écolo toutoune « green lady », massacrant notre langue. Oh l’écorche-oreille insupportable ce soir-là ! « Débats-télévisés-des-chefs » ?, ces mots signifient : « mort de la parole alerte », vive, captivante. Il y a eu « Dîner de con », il y a débat de con avec un arbitre, modérateur métronomique, qui calcule les minutes et les secondes, qui joue, la langue dans la joue, le père fouetteur ( S. Bureau ou un autre). Arbitre froid qui fait que ces machins égalitaires, ce equal time de mes deux…, ne lèvent jamais. On reverra tout cela bientôt puisque le rouge John Charest (fils de Red Charest) semble vouloir des élections québécoises dans… pas longtemps ! Souffrance, disait Fridolin-Gratien-Gélinas !
Ces sermonnages, sans cesse interrompus, artificiellement soutenus - à une table ou devant lutrins-, sont d’un soporifique : pas de coup de sang, coup de gueule. Aucune émotion. Aucune humaine vindicte. C’est bla-bla-bla froid. Zzzzzzzzz… dit le phylactère de B. D. La peste de ces débats vains ! Cette sortie fort bien faite par Madame Payette face à un maire-Houde, m’a fait me souvenir d’un autre marché public, le Jean-Talon. Vers 11 ans, en 1942, papa m’amena entendre les orateurs nationalistes du « Bloc populaire ». Un « bloc » d’avant Bouchard, celui de Maxime Raymond, sénateur nationaliste, fondateur et financier. J’entendis discourir à peine un André Laurendeau. Il parlait éraillé et avec son tout petit filet de voix. Et puis, se leva le célèbre patriote Bourrassa (qui n’est pas qu’un boulevard ou une station du Métro, les jeunes), Henri, par Robert qui se tint debout en 1990 (après l’échec de Meech) 24 heures en 24 ans de vie politique. Ce Bourassa avait prononcé quelques belles paroles, on l’entendait à peine car en 1942 il était devenu un petit vieillard maigrelet. Il m’avait semblé avoir cent vingt ans. Ces réunions à débats publics n’étaient pas faites pour les enfant, ça va de soi. Je n’étais pas précoce comme Lise ! Vint pourtant un moment qui m’excita : un des invités « s’empara du crachoir ». Clameurs soudaines et réveil du gamin distrait, le bonhomme (qui était-ce, diable ?) avec une gestuelle d’enflammé, des propos aux sarcasmes bien envoyés, des appels à la révolte, des cris calculés, des silences pas moins bien calculés, bref, un orateur parlait, un tribun, un vrai. Je ne revivrai cela qu’en 1961, je n’avais plus dix ans mais 30. Quel spectacle excitant, salle louée rue Fleury, en écoutant feu Pierre Bourgault débattre sur l’indépendance.
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