mai 062013
 

Ne craignez rien, je ne citerai pas tout le poème de Lamartine. Ou de Musset ? Ma mémoire ! Bon, bienvenue ô (au) lac car oui, ça y est, le Rond s’est enfin dégagé de sa glace. Et puis les verts bourgeons bourgeonnent dans nos arbres et, ce midi, filant au nord, une flopée énorme de canards —huards, sarcelles, bernaches— ma méconnaissance naturaliste… ? On revient du sud (Maine) où, le long des plages, un vent froid soufflait sauvagement. Oui Ferland : « on gèle au sud, on sue au nord car, à Ste Ad, samedi, la chaleur torride !
Vendredi matin, à Ogunquit, nous petit-déjeunons au Huckleberry dans Beach Road. Un restaurant vieillot, plafond gaufré, lampes torchères, mobilier ancien à loges cuirettées, plancher de mini carreaux émaillés et plein de photos antiques aux murs époque du Rudolf Valentino, du Picasso, du Matisse, de la Gloria Swanson, tous touristes du Ogunquit d’antan. Quand s‘organisaient de célèbres courses d’autos, des régates partant de l’Anse à Perkin, à coté.
Une jolie dame qui lit Pays d’En Haut m’aborde : « Vous ! Pouvez-vous me dire ce qu’Ogunquit a de spécial pour que j’y revienne depuis 40 ans ! » Ma Raymonde trouve, lui répond : « C’est pareil pour nous, notre quarantième visite à nous aussi, c’est l’attraction des souvenirs. La force des sites familiers. Le pouvoir de la mémoire des lieux aimés. » Vrai. Plaisir curieux de revoir Wells Beach, joli bourg à jolis chalets, ou Portsmouth, ses quais. Portland, ses cafés, son musée. Les Outlets à aubaines de Kittery. Revoir en pensée René Lévesque à son cher motel Dolphin avec Yves Michaud, au poker au dessus des falaises sous les cascades bruissantes du merveilleux sentier Marginal Way. Ou Robert Bourassa et sa famille (et les bouncers !) à son cher motel Aspinquid fait de bardeaux noircis.
Début mai donc et pas de homard, c’est fermé chez Fisherman’s ou chez Lords. Chez Jacquie’s aussi. Nous reste, au dessus des barques du mini port, le classique rustre Barnacle and Billie’s. Reste aussi à admirer le vaste océan. Un jeudi matin, on est ébloui par l’infini des eaux et ses verts tendres au rivage, plus loin, vert dense comme vitre de bouteille ! Oh ! Et puis, la rivière gonflée de marée en bleus graves, si sombres. Marcher, marcher sur le sable tapé revoir ces vives frises qui rampes, moutonneuses, toutes immaculées au soleil. Héroïques surfers au large mais hélas ce vent du nord, brrr !
Un mercredi soir dans le noir du rond-point des tramways, assis à un banc, digérant les fameuses pâtes du Roberto’s, Shore Road, observer un fragile noir horizon, un phare clignotant, un ciel de lune et plein d’étoiles. Un peu plus tard, à l’est, des bleus de velours vus de la longue galerie du Norseman :la beauté ! Le lendemain, mercredi, en plein jour, étonnant ciel de roses et de jaunes, tout ce village 19 ième siècle sous une lumière romantique, faire les boutiques, nos yeux ravis. Retour donc et, samedi, ici, chaleur du nord (!). Rentrés au pays et ce sera donc le lac fluide, débarrassé, les bourgeons, de premiers oiseaux et ce flot de canards qui crient le retour du doux temps ! Vive la mer, vive les Laurentides.

avr 152013
 

Je guette le vrai printemps. Il tarde. Trop de neige sur la terre, non ? Ai-je « un trouble » avec le climat ? Combien sommes-nous à nous impatienter d’un printemps retardataire ? Paraît que l’on nomme « toc » une manie. On disait, jeune, « un toqué » pour parler d’un doux maniaque. On le dit de celui « affublé d’un TOC, souffrant d’un « trouble obsessif compulsif ». Suis-je « toqué » à tant soupirer après le printemps. Je l’avoue, je n’en peux plus tant j’ai hâte d’aller errer, fouiner, vaquer « à ci et à ça », vagabonder quoi, oui, me promener tout bonnement dans mes alentours et en souliers !

En attendant un air plus chaud, de voir disparaître (enfin) tous ces restes de neige, j’en viens à songer « troubles ». Notre bonne vieille peur de l’anormalité. Je raconte dans le premier chapitre de mon « Anita… » (merci lecteurs d’en faire un best-seller) ma peur de la folie. Comme nous avions tous, jadis, une soutane (prêtre, religieux, nonne) dans chaque famille, nous avions souvent « un fou » à St-Jean de Dieu. On en avait… trois !

Désormais, médecine moderne aidant, nos fous ne vivent plus dans des asiles. Merci progrès. Ainsi, il nous arrive désormais, n’est-ce pas ?, de croiser sur notre chemin d’étranges personnes. Ça m’arrive par ici. Parfois les mêmes silhouettes aux mêmes jours, aux mêmes heures, avec un comportement plus ou moins quelque peu erratique. Enfant, dans nos rues de Villeray, dans les années 1930, nous avions une faune bigarrée : un trembleur convulsif, un qui parlait à voix haute et gesticulait, s’engueulant parfois avec des invisibles, un qui, courbé, barbu, trembleur et baveur, tournait la manivelle d’un vieil orgue dit de barbarie au marché Jean-Talon, une romanichel à voile, nez crochu, nous tirait « la bonne aventure » avec un perroquet trieur de cartes. Ou encore un « sans jambes aucune », torse à deux mains dans sa voiture qui se se mouvait à l’aide de deux gros fers à repasser antiques ! Un travesti exhibitionniste tournoyait autour du cinéma du coin. In « ti-coune », drogué montrait un rat vivant, un vétéran, un gazé de 1914, ses images « polissonnes». Aux quatre coins de Jean-Talon. s‘époumonaient en harangues névrotiques « des dérangés », fous de politique fasciste ou de religion ! Eh bien, nos paysages d’enfant en étaient comme… oui, égayés ! Car « le dimanche les enfants s’ennuient » cher Trenet. Mais parfois nous filions sous les jupes de nos mères !

Stop ! Avril 2013. À Ste Adèle et je lis pour voir plus clair. Je me documente. Qui suis-je, qui êtes-vous ? Du genre parano ? Qui se méfient sans cesse ? Peur d’être jugé. Du genre schizoïde ? Détaché de toutes relations sociales, apathique. Du genre narcissique ? Qui se surestime, se voit supérieur. Obsessionnel compulsif ? Voit à l’ordre, le rangement, le contrôle. Personnalité histrionne ? Émotions excessives, quête d’attention et des jugements des autres.

Suffit ! « Toc » pas « toc », devoir vivre avec soi et s’endurer. Se montrer endurable aussi. Sans le déni total, admettre son « récit de vie » :1) le bagage involontaire, l’inné. Et ( 2) l’élevage, l’acquis, l’appris. Et toi, printemps, arrive. Vite !

 

mar 202013
 

 

Je sors de ma piscine comme chaque jour et, voyant la neige qui tombe, je m’écrie : « Oh non ! Pas ça, pas encore de la neige ! » Scandale. Autour du porche de l’Excelsior, cris de protestation. Plein de visiteurs venus de Paris me font de gros yeux. ! « Allons, l’ami, c’est si joli. Nous, on est venu justement pour ça, l’abondance de neige ! »

Depuis des années, je m’en suis rendu compte, « un tourisme d’hiver » se développe. On m’explique qu’il faut organiser, c’est couru et apprécié, des forfaits « sports-hiver-québécois ». J’ai appris de mes joyeux parisiens qu’en deux petites journées, ils ont pu se payer une « trotte » de traîneaux à chiens, « ah, mais nous étions dans un roman de Jack London, vous savez ! », aussi un idyllique bourlingage de « ski de fond » sous d’immenses haies de sapins ! Et puis : joie féconde et bonheur total : « On a fait de la motoneige loin de vos villages, en pleine brousse blanche ! »

L’engin —du père-Bombardier—est une vraie « folie » de bonheur pour ces jeunes citadins bobos de la mégapole la plus visitée du monde, Paris. « Ah bin, taberrrnacle (sic) que c’est jouissif votre ski-doo ! » Ça gloussait de « fonne », vous savez. Quand, cette semaine, veille du premier jour du printemps, j’ai vu tomber toute cette (dernière ?) neige, j’ai pensé au grand bonheur de ces « cousins » du vieux continent en visite dans… « nos quelques arpents de neige » selon la maudite expression du maudit Voltaire conseillant à Louis XV de ne pas trop investir en Nouvelle-France menacée par l’Anglo-saxon rapace !

Voyant, quittant le domaine de l’Excelsior, ma « toute excitée » horde de motoneigistes néophytes, si joyeux, vraiment enthousiastes, chevaucher de si belle humeur leurs engins à chenilles, j’ai pensé à nos enfances québécoises. À nos grands plaisirs d’accueillir de nouvelles giboulées. Il y a qu’avec les années, le Québécois finit par se lasser de ces « jolis flocons » qui forment. Hélas, de pesant, de très lourds congères. Qu’il faut pelleter. On doit nous comprendre à Paris.

Ça suffit quoi ! Que vienne le printemps. On est prêts tous à entendre les rauques et stridents cris des noires corneilles. Il y aura ensuite ces si jolis oiseaux familiers dans nos jardins. Il y aura les bougeons qui s’ouvrent. Il y aura le soleil plus fort et le simple petit bonheur de « marcher en souliers. Eh oui! Ça tient à si peu ? Eh oui ! Rappelez-vous, les anciens, grand bonheur tout simple, gratuit, sortir en robes ou en chandails légers, un certain jeudi précédant Pâques. Aller, frénétiques, « faire les sept églises ». Rituel, petit pèlerinage annuel —garçons et filles, pouvoir fleureter en masse— en souvenir des « sept plaies du Christ. Mort en croix et vendredi, l’église endeuillée, musique dramatique à l’orgue, trois prêtres se couchent, lampions et encens, tristes chants de gorge, cagoules violettes aux statues.

Sursun corda… ! La vie ! Avec dans l’air dominical grand concert. Volées des cloches de toutes les églises. Dimanche, la résurrection de Jésus et, pour nous tous, la résurrection de nos pulsions très humaines, bien laïques, bien en chair. À la craie de plâtre, vite, aller tracer en lettres géantes, au coin de la ruelle sur une palissade de vieilles planches : « CLAUDE AIME RAYMONDE ! » On est fou quand on a quinze ans, non ?

jan 052013
 

 

Rue Valiquette, les yeux dans l’eau, mais oui, je compatissais aux malheurs des « misérables » de Victor Hugo, mon illustre camarade. Bilan d’un cinéphile, octogénaire : ai-je vu 3000 films dans ma vie ? Ou bien 5000 ? Ou encore 10 000 ? Je ne sais pas. Chez moi, jeune, il n’y avait comme lecture que des annales pieuses, « L’almanach du peuple » de Beauchemin et les exploits des « comics » achetés cinq cennes la brochure. La culture pour les gens de mon époque, de mon quartier, c’était… les « vues ». Gamins, au coin de ma rue Bélanger et St Denis —c’était avant l’air conditionné— on se faufilait (à la barbe des placeurs) par les sorties d’urgence. Sans payer. La belle vie : savourer les films made in France (au Château), ou made in USA, au Rivoli.

Le cinéma a nourri ma jeune imagination et quand j’ai publié mes premiers romans ( Et puis tout est silence, La Corde au cou, Délivrez-nous du mal, Éthel et le terroriste) nos critiques littéraires décrétaient : « Jasmin fait une littérature avant tout cinématographique. » Bien vrai. Tout ça pour dire mon plaisir quand je descend « d’en haut » vers nos salles, rue Morin, rue Valiquette et dire aussi mon bonheur de pouvoir, à 5 minutes de chez moi, « aller aux vues », comme quand j’étais resquilleur.

En passant : ce « Bye-Bye 2012 » à la télé, mode actuelle déplorable, ne fut constitué que de « brefs tableaux ». Parfois « ultra-brefs ». Pourquoi singer les  commerciaux ? Vite, vite, vite, des « flashes », des furtives évocations et refus de bâtir des sketches solides, qui dureraient un peu. Mépris du monde ? « Les gens sont incapables de se concentrer plus d’une minute. » donc sauf un ou deux sketches, parage pressée, défilé d’urgence, policiers qui fessent, mafia et Libéraux corrupteurs, le tout, superficiellement. C’est regrettable quand on constate (et apprécie) les habiletés « inouïes » des créateurs : maquilleurs, perruquiers, prothésistes, costumiers.

Pour fin 2013, prière de revenir, comme souvent jadis, à des tableaux consistants, un peu élaborés. Plus facile de briller par courtes apparitions ? En tos cas le fatras visuel est vite oubliée. Bousculade, cavalcade échevelée. Qui se souvient d’une parodie un peu élaborée ? Qui aurait duré au moins 3 à 4 minutes, sinon 8 ! « Nous, le peuple… » on n’a eu droit qu’à de brillantes caricatures esquissées, aussitôt oubliées,. Mauvais signe cela. L’immortel, anthologique donc, sketch du soldat de la Crise d’octobre, (joué par Guimond), écrit par Gilles Richer, durait plus qu’une minute et demi, non ?

J’y reviens… Redire le plaisir d’aller « aux p’tites vues ». Mon grand bonheur d’être plongé en salle obscure face au grand drap blanc tendu, comme pour une cérémonie chaque fois. Rien à voir avec l’écran de vitre de télé au salon. Voyez ce vaste album à images, « Les misérables ». Très efficace mélodrame hugolien, palpitant récit de la deuxième révolution française, celle de 1848, montrant des gueux galériens, de sombres forêts, une manufacture sordide, un carrefour à putains rivales. Surtout une barricade meurtrière.

À la fin, milliers de figurants, c’est Paris insurgé, affamé, révolté, vues inouïes d’un enterrement solennel (un ministre bien-aimé) qui déclenche l’émeute historique de 1848. « Les misérables », ma foi, c’est pas moins qu’une trentaine de chansons. Jamais vous n’oublierez Jean Valjean chantant en implorant Dieu de laisser vivre le beau Marius blessé. Plus tard, l’audacieux gamin Gavroche. Vous oublierez encore moins Fantine, la voix déchirante de Fantine, misérable (!) mère-célibataire de Cosette. Fascinante Fantine qui agonise en une « chanson criée », pour l’impossible rêve. Courrez-y et apportez vos mouchoirs de papier. Tout autour de moi, les larmes des jeunes filles coulaient à flot. Les jeunes gens, eux, se retenaient. Des gars hein ?

déc 032012
 


 

J’ai tant écrit sur mon enfance, ma jeunesse, que des gens me questionnent : «  Ah, «  La petite patrie », n’était-ce pas le vrai bon temps, tout allait bien mieux ? » Chaque fois, déception dans leurs yeux, car je dis : « Dans ce passé lointain tout n’allait pas si bien, souvent ça allait même plutôt mal. » Il est bien romantique de se convaincre que les temps anciens étaient un paradis. Que de frustrations, que de tabous niais, que d’empêchements à nous épanouir, à jouir des libertés vitales. Que de puritanisme idiot, des temps souvent frustrants.

Évidemment, des actualités font mal. Des modernismes (modes) sont bien cons et des valeurs valables (sic) furent jetées. Il n’empêche qu’il y a derrière nos frustrations contemporaines, un vrai progrès. Ici, ma spirituelle camarade Mimi (Legault) m’a bien fait rire (comme si souvent) en fustigeant les délires de nos fonctionnaires-en-éducation. Charabia, galimatias et jargon mis ensemble; un fait. Les parents d’écoliers se sentent bafoués préférant des bulletins de notes clairs, lisibles. Abus et bureaucratie tatillonne, stupide ?

Cependant foin de notre nostalgie automatique, répétons que les temps révolues ne furent pas si souvent heureux et loin d’être « parfait ». Chère Mimi, j’avais trente ans et deux jeunes écoliers à la maison, déjà je n’était plus apte à les aider (années 1960 et 1970), dans leçons et devoirs. Les systèmes

(pour français comme maths) étaient complètement changés. J’étais gêné de mon impuissance à collaborer à cette scolarité pourtant élémentaire. Ça m’humiliait. Caprice des bureaucrates en pédagogie nouvelle, fantaisies, ces « changeurs de méthodes » étaient-ils tous des incompétents ? Comment savoir, Mimi ?

J’ai toujours cru à la loyauté du monde, à l’honnêteté. Je suis un optimiste. Le cynique dira, naïf ? Je répétais à mes petits –fils : « Vous verrez, le monde est bon ». Je n’ai jamais été de ces un « professeurs-de-désespoir », que fustigeaient Nancy Huston. Avec raison. Malgré les sinistres « page-trois » des journaux, je vois la société faite surtout de gens sains, corrects pour la majorité. Tenez : à Drummondville, ces trois enfants assassinés et moi, je dis à ma compagne totalement consternée : « Tu sais, avec tant de détresses, de misères et de malheurs en ce monde, je suis étonné qu’on ne découvre pas des centaines de tués chaque jour. »

La vie vaut. Tenez, vu au TNM « La Reine Christine » la garçonne et voir l’ouvrage d’un authentique génie, François Barbeau; je me suis souvenu (1953) du grand efflanqué jeune homme, 18 ou 19 ans, lui, Barbeau avec, au bout du bras, sa machine portative Singer, à la Roulotte de Buissonneau. Vu aussi le talent de la « Cretonne » du « La p’tite vie », renversante d’émotions criées en « misérable » dans « Du bon monde », la pièce chez Duceppe. La vie vaut. Vu au cinéma Pine, la cohabitation d’un ado hindou avec un tigre du bengale, en plein océan Pacifique, en chaloupe de sauvetage, film titré « La vie de Pi. » Vu, aussi au Pine, le dernier James Bond avec ses cascades inimaginables. Par exemple sur les toits et dans le souk d’Istanbul. Dimanche, je sors de vues animées suffocantes : en province de France, une épouse cadenassée dans un « mariage d’argent », va tuer (lentement) l’ennuyeux mari ! Audrey Toutou y est très émouvante.

Malgré les fumistes et cuistres du Ministère de l’Éducation, la vie vaut car il y a aussi, tu le sais bien Mimi, tous ces livres qui nous attendent juste à côté du Tavernacle, un joli bar-café du Centre commercial adèlois.

nov 082012
 

 

* Le film « On the road » ( au cinéma Pine sous peu), raconte la virée en bazou par une bande de la « beat generation ». Pour apprécier ce film, lisez une autobiographe à deux voix de Ray Robertson : « Beat Vénération * ». Suis-je subjectif, ce « Beat vénération » est traduit par mon petit-fils, David. Un arrivage frais en librairies. Livre qui vous fera connaître ce descendant de « canayen-français » plein de verve et crachant son âme. En trois semaines. « On the road », au fond un reportage sauvage est un coup de tonnerre, sera trois fois réimprimé en 10 mois !

Kérouac vient de Lowell, Mass. Ray Robertson vient de Chatam, Ont. Et il est fou de Kérouac (et de Rimbaud). Ça se lit comme un roman. Ray, fils d’ouvrier, découvre donc Kérouac, ce french canadian surdoué et s’enflamme. Lui aussi vit une chétive jeunesse, père ouvrier —« papa pue le fer et la sueur » écrit-il. Il a une mère limitée. Une grand-mère maternelle (une Authier) qui est un sosie de la célèbre « moman » de Kérouac.

J’avais 35 ans en 1965 et moi aussi j’ai eu besoin d’aller en pèlerinage à Lowell. Pour voir le french ghetto de Saint-Jean Baptiste, la Merrimack sous le pont, l’énorme église Saint-Louis de France, tout; j’étais entré dans tavernes et bars tentant de faire évoquer « le grand Jack » disparu; en vain.

J’ai lu « Beat Vénération » et j’irai voir le film. Le jeune Kérouac, ex-footballeur blessé, ex-marine, sera comme assommé par ce fabuleux premier succès mais, plus tard, les insuccès vont se multiplier. Kérouac va sombrer : l’alcool à flots, aussi la drogue —speeds amphétamines. Orphelin jeune de Léo, —« papa pue l’encre et la sueur » dit-il—, le fils de la grosse veuve ouvrière (dans le cuir) devient un saoulard. Loufoque, il voyagera en Bretagne, à Paris, ira vagabonder à Tanger. Il cherche ses lointaines racines. Une marotte ?

« Il n’y a pire malheur que d’être apatride », a écrit Dostoïevski. » Voilà Kérouac, en 1967, jouant le généalogiste ? À Rivière-du-Loup ! L’accompagne partout Jos Chaput de Lowell, son inséparable  : deux avaleurs de gnole en motels crasseux, dans des bars miteux. Le voilà fier : il a dans ses branches le « Seigneur » Lévis de Kérouac de Cornouailles ! On rira de lui. Poivrot pitoyable, on peut le voir se racontant (dans son pauvre français !) à l’émission « Le sel de la semaine ». Voir sur Google. Une tristesse terrible !

Le traducteur de Roberston, mon cher David, s’est mérité des éloges; dont celles de Desmeules (Le Devoir) et de J.-P. Ferland ( du S.D. observatoire). Ray dit bien le génie fracassé qui trépigne en des ouvrages bizarres, de rares éclairs. Il reste l’odieux parasite de Gabrielle, mère économe à laquelle il s’accroche. Ce curieux couple mère-fils va déménager souvent. À la fin, terminus : St Petersburg, Florida, la fiasque à la main ! « Mémère », comme Jack l’appelle, vieillie, malade, prie son autre fils, Gérald, mort enfant. « Un saint mystique », prétend-t-elle et Jack en fera d’étonnants écrits. Kérouac, un anti-Noir patriotard, un ultraconservateur anti-Juif —tel le génial, hélas raciste, Ferdinand Céline. « On the road » reste un classique mondial.

* Texte revu le 9 novembre

**Ray Robertson, « Beat Vénération », traduction David Jasmin-Barrière.

 

sept 152012
 

Ma jeune camarade de Saint Sauveur, Fabienne Larouche, est une scripteure de télé qui a du génie. Sans doute assistée par  son conjoint psychologue, Nadeau, son nouveau « 30 vies » est lancé sur les chape aux de roue avec l’aide de « la » Guilbeault, surdouée actrice en névroses dynamiques. J’ai le chapeau bas à la main, chère Fabienne.
Deux flops annoncés ? Oui. 1-  Labrèche et Dorval sur Le Plateau. Une bonne idée mais gaspillée que ces nouveaux « ridicules savants ». Les Bobos, C’est TROP. Trop de mots. Ce qui est exagéré devient insignifiant, dit l’adage et, hélas,  l’auteur  Brunet s’y fourvoie. 2- le nouveau Claude Meunier avec son couple montré sur trois générations. Deuxième Flop. Maintenant deux succès annoncés ? 1- « Tu m’aimes-tu », sketches pétaradants, captivants. 2- Homeland avec sa belle agente « comploteuse » membre de la CIA. Un départ efficace, brillant, prometteur. Ma Raymonde, réalisatrice des feuilletons de VLB retraitée, toujours passionnément curieuse des nouveautés dramatiques et, ainsi, me force à tout regarder. Elle a bien raison d’estimer très fort, « En thérapie ». Tous les soirs à ARTV. À  l’heure des infos. Le solide acteur, Papineau y est en effet d’une crédibilité envoûtante.
Virée en ville cette semaine : d’abord, mercredi, pour aller à la Tohu de la rue Jarry ( coin Iberville) admirer cet étonnant funambule, du visuel, acrobate inouï et…petit-fils de Charlie Chaplin. Thierée, son nom. 90 minutes en compagnie d’un énergumène en haillons dans une cabane branlante. Le hobo frétille face à un menaçant requin rampeur, puis à un superbe « éléphant blanc », enfin, à une cigogne agressive. Un scénario flou hélas, aucune émotion mais énorme admiration pour ce gesticulateur frénétique. 90 minutes d’un cirque théâtral hallucinant.
Jeudi soir, première chez Duceppe, de « Thérèse et  Pierrette ». Un ancien roman de Tremblay, habilement ré-arrangé par le brillant Denoncourt. Rideau et surgissent sur la scène quelques robes noires, des « pisseuses » à cornettes. Des aimables dont la renversante nonne-portière infirme jouée brillamment par Josée Beaulieu, aussi deux touchantes lesbiennes placardées (voir Lynda Johnson parfaite). Faut voir cette effrayante, « mère supérieure » ultra sadique —fascinante Sophie Clément. Elle terrorise, rue Fabre, ces fillettes en robe de couvent, des pré-ados. Dont une mignonne —brillante Catherine de Léan— qui, candide, s’amourache d’un pédophile culpabilisé; une « suiveuse » aux dents croches —excellente Marie-Éve Milot; une « bacaisse, virevoltante blonde toutoune —très excellente Geneviève Schmidt. Enfin une laideronne —émouvante Sylviane Rivet-Beauséjour. Un spectacle réussi.
Jeunesses d’ici,  allez-y pour découvrir tout un pan, pénible et savoureux à la fois, de notre récent passé québécois. Vieillesses, courez-y pour vous souvenir, en riant souvent aux éclats, d’une exécrable époque full cléricale. La fin de ce vaste tableau commémoratif vaut de l’or. Vous verrez s’édifier un de ces immenses « reposoirs de Fête-Dieu » d’antan. Avec même l’ange flottant dans les airs, une joie féroce pour les yeux que cette piété des naïfs de mon  jeune temps. Absolument pathétique ! Cette apothéose visuelle est complètement sidérante de quétainerie; bravo talentueux Denoncourt !
Rentée au village adèlois et découverte, samedi, d’un « frette » de novembre, eh merde !

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août 282012
 


 

C’est fou, étant si souvent allé à Val David, jamais je n’ai appris qu’il y a en ce lieu le plus joli parc de nos alentours. Le village est-il trop modeste pour l’annoncer correctement ? Pas loin de votre arrivée, tournez à gauche, vers le nord quoi, Rue de la Rivière et : pam-pam! Quel paysage féerique ! La Nord coule le long de ce parc avec de splendides cascades. Des visiteurs sont installés (avec ou sans bouffe) à des tables rustiques. Ils admirent sous la canopée ces vivifiants rapides, et entendent le gazouillis charmeur —si romantique— de l’eau qui court sur des rochers cachés.

Nos ancêtres, Néerdantals, Cro-magnons, X…pithèques quelconques, estimaient-ils déjà ces cours d’eau vive, ces frises d’écume décorant ces eaux en descente vers leurs embouchures ? J’ose le croire, m’imaginer que ces primitifs chasseurs, impétueux et si peu cultivés, posaient leurs engins assommoirs aux rives de ces beaux sites à cascades. Pour rêver un peu, àquoi ? À rien et à tout. Allez-y voir ça à Val David, vous verrez bien. Toujours un moment de stimulante rêverie. Une halte utile. Une pause rassérénante qui fait du bien.

Val David n’est pas Saint-Sauveur, ni Sainte Adèle, ni Sainte Agathe à côté. Le lieu ne jouit pas de solide notoriété. Pourtant, allez-y faire un tour, il se dégage de Val David un charme particulier. On dit que s’y trouve un grand lot de créateurs, modestes et fiables artisans ou designers branchés. À chaque passage —Daniel, mon fils y est installé— je fais des rencontres inusités. Pas seulement de quelques Juifs Hassidim ou de nombreux « bouddhistes » (parfois en safran), mais aussi de ces bonshommes vieillis à cheveux longs, à barbes bien fournies, parfois à bandeaux au front et je me sens alors comme replongé aux temps du « Peace and love »et de San-Francisco-la-libertaire.

Rue Principale, j’y ai mon « four » bien-aimé, chez « Grand’Pa » aux pizzas succulentes et autres restos sympas. Je l’ai déjà mentionné, l’église est sans beauté hélas, mais on découvre une galerie d’art publique (c’est rare ailleurs) et des échoppes où s’offre de la beauté. Certes Val David ne jouit d’aucun prestige fort, d’aucun ensemble de pentes de ski, ni de grands hôtels renommés, à part la bonne vieille « Sapinière ». Jadis, le village a vu grandir sa réputation à cause de feu la très active et populaire boite à chansons « Le Patriote ». Qui s’est déménagée chez sa grosse voisine, Agathe ! Val David à prestige minimum est heureusement renforcé, (pas seulement par son petit marché populaire) par deux grandes expos de prestige : celle, singulières, initiée par le célèbre graphiste René Derouin sur son domaine et aussi celle de la céramique avec les « 1,001 Pots ». Quoi qu’il en soit, j’aime ce village modeste, sans gros centre commercial (ouf !). Charles Trenet chanterait assis sur un banc public : « On y voit le bleu du ciel, le rose des nuages qui courent au dessus des enfants du parc de la vieille gare… » Mais surtout, allez vite voir ce parc où la Nord coule en cascades scintillantes. Pressée d’arriver. Mais où donc ?

 

juil 092012
 

Un samedi soir vivant, les terrasses des restos débordent, dans le Parc Famille, foule, des rires, des cris, sur la scène extérieure, haut-parleurs pour le rock avec ses rythmes simples, ses répétitions mélodiques, ça cogne fort aux oreilles. De jeunes enfants s’en énervent et pleurent. Des ados se balancent et des vieux grimacent. Les rues des alentours sont pleines, les voitures cherchent où se stationner, bref, c’est l’été à plein, une joie dans l’air, une « légèreté de l’être m’sieur Kundera (dont je lis : Les testaments trahis). Oui c’est juillet, la « bel’ saison », répète une chanson.

Et ne venez pas nous refroidir avec vos « songez-vous aux malades, aux handicapés, aux malchanceux du sort ? » On le sait bien que, pas loin, certains aînés sont seuls dans une chambre, en résidence climatisée, orphelins obligés de ces beaux airs de fête partout au village, hommes ou femmes ridés, ils regardent… le plafond. Ou qu’un jeune désespéré, ayant perdu confiance en lui (et les autres) jongle ces jours-ci à comment s’en aller vite et à jamais. Mais oui, on le sait bien que l’existence de certains n’est qu’une piètre potion-de-vie, bien maigre, souvent empoisonnée. Qu’y faire ? Plein de gens vivent heureux malgré tout, malgré tant d’âmes perdues dans les filets de la désespérance la plus totale. En va-t-il d’un instinct de survivance ? Est-on responsable du monde ?

Ai-je le droit d’aller fixer un hibou-de-Rona ( 10$) sur mon radeau que de bien jolis canards s’acharnent à décorer …de grasses fientes ? Eh bien ça marche, une drôle de peur du rapace en plastique. Levant les yeux —une première pour moi— deux corneilles —amoureuses— se donnent plein de becs, se font de furtives caresses. Ma Raymonde qui les détestent tant : si elle pouvait apercevoir ces noires silhouettes sveltes, charmantes, agiles, toutes sautillantes aux branches du vieux saule du rivage. Réconciliation peut-être avec ces criards si elle les voyaient se poursuive, se dorloter. Bon, me voilà un peu ému : deux pigeons, tourterelles, colombes mythiques peintes en noir. Qui jouent les tourtereaux des fables romantiques !

Le téléjournal n’en a pas parlé mais voilà que notre « vieux » est mort, raide mort. Tombé quand, comment ? Ces vents (avec déluges) d’il y a pas longtemps ? On a rien su. Pas de présages, aucun signe d’alarme, pas de sombre pronostic, ses branches toutes pleines de pommes ! Un matin, on se lève, et il est là, couché de travers mon vieux ridé, crocodile éjarré, caïman inerte, alligator humilié avec ses pommes naissantes vertes comme jamais. Notre pommier avait cent ans…ou plus ? On sait pas. Fini de ramasser sa vaste manne chaque fin d’été. 50 sacs bien remplis, sucrées, jeunes pommes d’un si vieux pommier.

Est-ce que tout va s’en aller ? Arbres, hommes, femmes ? Déjà quatre morts autour de chez nous : le père Laniel, puis le céramiste Claude Vermette, puis m’sieur le juge, un voisin taciturne, enfin un ex-héritier de La Casa Loma tout proche de la plage publique. Merde, à qui le tour ? Brel avait peur comme tout le monde et chantait pour compenser : « J’veux qu’on chante, j’veux qu’on rit, quand on me mettra dans l’trou ! Il crânait ? Une façade ! Assez, en attendant, un soir, s’attendrir de ce bambin qui a les yeux comme la panse à la terrasse de notre cher glacier du Boulevard, face à la station d’essence. Ses yeux rieurs chantent de joie anticipée, il se sort la langue et ferme les yeux. Son bonheur ! La vie se fait bonne d’un rien, de tout, de ce jardin fleuri si parfait dans sa modestie (fleurs sauvages) aux parterres de mon vieux camarade disparu, Grignon. Vive l’été ! Au bout du saule deux corneilles s’embrassant mais… « voir un ami mourir » (Brel encore), voir un si beau vieux pommier mourir.

avr 232012
 

Le président futur de la France: « Je n’aime pas les riches ». On lit ça… comme médusé. On se dit : Est-ce que j’aime les riches ? Comment mettre tout le monde (des riches) dans un même sac. N’y aurait-il pas des riches aimables. Peut-on dire :  « Je n’aime pas les pauvres ! » Quel risque électoral prend « le socialiste » à proclamer sa haine des riches ? Aucun. Il y a peu de riches et beaucoup de pauvres. Un romantisme datant des « années dix huit cent » criait : les riches, tous des salauds exploiteurs ! Les foules aiment les images…simplistes. Il y a des riches travailleurs, entreprenants, audacieux, acharnés face au succès. Une réalité. Il y a, certes,  des riches chanceux, beaucoup sont né en milieux favorisés et profitent de ce hasard-destinée. C’est injuste ? Fatal ?
Dans un (piètre) documentaire sur « Les belles soeurs » de Tremblay, on a émis l’opinion que c’était un texte sur « la jalousie ». Très vrai. La belle-soeur chanceuse se fera voler ses bons-coupon par ses propres belles-sœurs. Avouons-le, ce je n’aime pas les riches signifie « je suis « jaloux » des riches. J’ai connu des riches merveilleux. Un exemple ? Un très haut fonctionnaire (d’Outremont) qui nous hébergeait, bande de jeunes aspirants-artistes, à son domaine du Lac Brome et qui se faisait volontiers le mentor naturaliste. Claude Mélançon. Un autre ?  M. Chagnon. Qui soutient de son argent (via la vente de Vidéotron à Quebecor) une immense fondation caritative.
La « chasse aux riches » s’avéra un échec et causa le malheur de nations entières martyrisés par despotisme et dictature. On sait la catastrophe de « l’égalitarisme imposé » en pays soviétisés (Chine comprise). Pékin bichonne « ses riches » désormais. Parlant des « Belles soeurs » montrées en 1968,  la caricaturale Madame Courval paraîtra aux québécois —le moindrement lucides— non plus la maudite snob méprisante mais la clairvoyante. En 2012, elle aurait bien raison d’avoir honte de notre parlure brouillonne, de nos accents invertébré et de nos bouches-molles. De notre jargon, argot de paresseux, baragouin pour primates, créole à charabia pour jeunesse molassonne. Charabia « jello ».
Déprimé le chroniqueur ? Non, j’entends des jeunes qui se corrigent, j’en ai croisé en trois endroits :

  1. parmi d’autres opérés comme moi (pour des cataractes),
  2. dans le public d’un film à l’humanité merveilleuse, que je vous recommande chaudement, « Les Intouchables » au cinéma Pine.
  3. au lumineux resto, le plus joli de nos parages, le Viva Vina,  de biais avec le centre commercial de Ste Adèle. Là où l’hôte (sosie de Guy Laliberté), est le petit-fils de notre toute première « Donalda », Nicole Germain. Sa mamie chérie dont il cause et jase sans charabia et avec une belle empathie.
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